Dans le sillage de la pandémie de Covid-19, les gouvernements ont adopté d’amples mesures de soutien budgétaire. Mais la récession provoquée par l’épidémie et les mesures sanitaires est particulièrement singulière : alors qu’habituellement les récessions, comme celle occasionnée par la crise financière mondiale de 2008, s’expliquent avant tout par une insuffisance de la demande globale, la récession pandémique tient notamment aux contraintes pesant sur l’offre, comme le suggère notamment le comportement de l'inflation (cf. graphique).
En théorie, lors d’une récession, le multiplicateur budgétaire devrait être plus élevé lorsque la récession résulte d’une insuffisance de la demande globale plutôt que de l’insuffisance de l’offre globale. En effet, si c’est la demande globale qui est insuffisante, les entreprises ont des capacités de production inemployées et la stimulation de la demande devrait alors les pousser à les exploiter davantage. Par contre, si c’est l’offre qui est insuffisante, alors une relance ne ferait qu’accroître une demande déjà excessive relativement à l’offre. Dans le premier cas, l’ajustement devrait avant tout passer par une hausse de la production, si bien que la taille du multiplicateur devrait être maximale. Dans le second cas, l’ajustement risque de passer avant tout par une hausse des prix, l’offre étant contrainte, si bien que la taille du multiplicateur devrait être minimale.
En s’appuyant sur un modèle VAR, Mario Di Serio et en utilisant les données relatives à la zone euro, Mario Di Serio, Matteo Fragetta, Emanuel Gasteiger et Giovanni Melina (2022) ont cherché à estimer si le fait qu’une récession soit tirée par l’offre ou la demande influence la taille des multiplicateurs des dépenses publiques. Dans la mesure où l’on peut supposer que l’inflation ralentit avec les chocs de demande négatifs et s’accélère avec les chocs d’offre négatifs, ils ont notamment observé le comportement de l’inflation pour déterminer si une récession était avant tout tirée par la demande ou par la demande.
Di Serio et ses coauteurs constatent que les multiplicateurs dans une récession associée à un ralentissement de l’inflation, donc supposément tirée par la demande, sont deux à trois fois plus élevés que dans une récession associée à une accélération de l’inflation, donc supposément tirée par l’offre. Plus généralement, il apparaît que les multiplicateurs sont inversement corrélés avec l’écart de l’inflation par rapport à sa tendance. Ce constat suggère que le multiplicateur budgétaire sera d’autant plus élevé lors d’une récession que celle-ci est tirée par la demande. Les estimations médianes du multiplicateur obtenues par Di Serio et alii vont de -0,5 dans le cas des récessions tirées par l’offre à environ 2 dans les récessions tirées par la demande.
Référence