La pandémie de Covid-19 et les mesures adoptées par les autorités en vue de la contenir, en premier lieu le confinement du printemps 2020, ont provoqué l’une des plus puissantes contractions de l’activité économique. En France, le PIB avait chuté de 31 % en avril 2020 ; sur l’ensemble de l’année 2020, il a baissé de 9 %, si bien qu’il s’agit de la plus sévère récession enregistrée pour l’économie française depuis la Seconde Guerre mondiale (cf. graphique 1).
La contraction économique n’a pas été singulière qu’en termes d’amplitude. Elle l’a également été en termes de nature, dans la mesure où elle a combiné à la fois des chocs d’offre et de demande : l’offre a notamment été contrainte par les mesures sanitaires, l’absentéisme des travailleurs et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, tandis que la demande a notamment été réfrénée par la constitution d’une épargne de précaution et les comportements de distanciation physique, volontaires ou non, visant à éviter la contamination (Baqaee et Farhi, 2020 ; Baqaee et Farhi, 2021). La contraction de l’activité économique a également été singulière au vu de son impact hétérogène sur les différents secteurs de l’économie, les activités du tertiaire comme l’hébergement et la restauration ayant par exemple été particulièrement affectées.
Le niveau de l’emploi n’a chuté que de 3,1 % par rapport au pic d’activité et la reprise de l’emploi a été assez rapide en comparaison avec celle au sortir des précédentes récessions (cf. graphique 2). La baisse du revenu des ménages a notamment été très contenue ; au premier trimestre 2021, il était supérieur de 1,2 % à son niveau au pic d’avant-crise. Aussi bien la chute limitée de l’emploi que la résilience du revenu des ménages s’expliquent, du moins en partie, par l’adoption d’un exceptionnel soutien budgétaire du gouvernement en faveur du secteur privé, notamment du dispositif de chômage partiel. Ce dernier, consistant pour les pouvoirs publics à prendre en charge 70 % des salaires bruts des travailleurs se retrouvant sans activité, a visé à la fois à stabiliser le revenu des ménages et maintenir un maximum le lien des travailleurs à leur emploi, afin de garantir le rebond de la demande et d’accélérer le retour à l’emploi lors du déconfinement.
Magali Dauvin et Raul Sampognaro (2021) avaient développé un modèle pour déterminer quels ont été les principaux facteurs derrière l’évolution du PIB et du revenu des ménages en France. Dans une nouvelle étude, Dauvin et Sampognaro (2022) se sont appuyés sur leur modèle pour examiner l’efficacité du dispositif de chômage partiel.
Leur modèle suggère que le dispositif de chômage partiel n’a eu qu’un impact réduit sur le PIB total au cours du premier confinement : en avril 2020, il n’a réduit la contraction du PIB que de 0,3 points de pourcentage, alors que celle-ci a atteint 31 %. Cela s’explique par le fait que c’étaient alors les chocs d’offre qui prédominaient aux premiers mois de la crise pandémique. Ils se sont dissipés lors de l’été avec le déconfinement. Ainsi, la récession pandémique a initialement été une crise essentiellement tirée par l’offre avant de devenir une crise essentiellement tirée par la demande.
Le modèle de Dauvin et Sampognaro suggère que les dispositifs de chômage partiel sont plus efficaces pour stabiliser le PIB lorsque les chocs de demande touchent de façon asymétrique les différents secteurs de l’économie. En l’absence des dispositifs exceptionnels adoptés par le gouvernement, le revenu des ménages aurait chuté de 13,1 %, contre 4,7 % en réalité.
Leurs simulations ne captent pas tous les effets du dispositif de chômage partiel. D’un côté, celui-ci a permis de préserver la relation entre les employeurs et leurs salariés, ce qui a pu contribuer à entretenir la confiance des ménages et ainsi contenir l’épargne de précaution, donc les effets négatifs sur la demande. D’un autre côté, le dispositif de chômage partiel a pu freiner la réallocation de la main-d’œuvre des secteurs en difficultés vers les secteurs stimulés par la pandémie, donc peser par ce biais sur le potentiel de croissance à long terme.
Références