dimanche 3 avril 2022

Les multinationales sont-elles une bénédiction pour les marchés du travail locaux ? Petite leçon subsaharienne

Dans les pays en développement, il n’est plus clair que l’implantation d’une multinationale bénéficie au marché du travail local. D’un côté, les multinationales peuvent stimuler l’économie locale en y apportant des capitaux et des technologies ou pratiques plus efficaces. D’un autre côté, elles peuvent s’adonner à des activités extractives, nocives aux autres entreprises, notamment aux activités informelles, implantées localement. 

Mariapia Mendola, Giovanni Prarolo et Tommaso Sonno (2022) ont cherché à répondre à éclaircir cette question en utilisant de nouvelles données relatives aux filiales des firmes multinationales en Afrique subsaharienne et en les combinant avec des données géolocalisées. En étudiant ces données pour la période allant de 2007 à 2018, ils constatent que la présence d’une filiale d’une multinationale conduit à une hausse significative du taux d’emploi et que cet effet est très localisé : il disparaît au-delà de cinq kilomètres.

En outre, cette proximité conduit à un déclin de l’emploi dans les activités relatives à l’agriculture et que cette baisse est plus que compensée par un essor des emplois dans les activités qui ne sont pas liées à l’agriculture. Ce résultat pourrait suggérer que la présence d’une multinationale stimule le changement structurel au niveau local, en permettant aux secteurs les plus productifs de se développer en absorbant les ressources des secteurs les moins productifs. 

Mais en distinguant entre filiales domestiques et filiales étrangères, c’est-à-dire celles dont le siège est localisé à l’étranger, Mendola et ses coauteurs notent que l’effet est asymétrique : seule la présence des filiales étrangères stimule l’emploi non agricole tout en diminuant l’emploi agricole, tandis que la présence d’une filiale domestique stimule l’emploi agricole sans avoir d’effet sur l’emploi non agricole. Ces constats suggèrent que les filiales étrangères ne génèrent pas les mêmes effets de débordement sur l’économie locale que ceux exercés par les filiales domestiques.

Afin d’éclairer ces résultats, Mendola et ses coauteurs ont alors distingué les filiales étrangères selon que leur siège et situé ou non dans un pays de l’OCDE, mais aussi selon que leur siège est situé ou non dans un pays ayant eu une histoire coloniale avec le pays observé. Certains éléments empiriques suggèrent que l’effet positif que les multinationales exercent sur l’emploi local tient aux seules multinationales dont le siège est situé dans un pays dans l’OCDE ou qui n’a pas eu de passé colonial.

Enfin, Mendola et ses coauteurs ont cherché à déterminer dans quelle mesure les multinationales stimulent la création de bons emplois en distinguant les emplois permanents des emplois temporaires et saisonniers. Ils constatent qu’en moyenne la présence d’une multinationale est associée à une hausse des emplois permanents et à un recul des emplois temporaires. Cet effet tient là aussi entièrement aux filiales étrangères. 


Référence

MENDOLA, Mariapia, Giovanni PRAROLO & Tommaso SONNO (2022), « Curse or blessing? Multinational corporations and labor supply in Africa », CEPR, discussion paper, n° 16964.