jeudi 15 juillet 2021

Ce que les populations des pays développés pensent du commerce international

La littérature économique suggère depuis longtemps que l’ouverture d’un pays au commerce international est susceptible de lui procurer des gains, notamment de lui permettre d’accroître ses possibilités de consommation, par exemple en augmentant le pouvoir d’achat des ménages, dans la mesure où les résidents ont désormais accès à des produits moins chers que les produits nationaux. Pour autant, l’ouverture même peut entraîner des coûts immédiats, par exemple des destructions d’emplois dans des secteurs en particulier. Même si les gains sont supérieurs aux coûts, rien n’assure que ces gains et ces coûts soient équitablement répartis au sein de la population. En fait, même les modèles les plus traditionnels du commerce international suggèrent que, dans les pays développés, les travailleurs les plus qualifiés devraient le plus facilement tirer des bénéfices du commerce international sous forme de hausses de salaires et de créations d’emplois et que les travailleurs les moins qualifiés seraient les plus exposés aux délocalisations et aux destructions d’emplois.

Alex Davenport, David Dorn et Peter Levell (2021) se sont appuyés sur les résultats des différentes vagues de l’enquête Pew Global Attitudes Survey menées entre 2002 et 2018 pour analyser quelle opinion les populations des pays développés ont du commerce international. Ils se sont tout d’abord penchés sur cinq pays de l’OCDE, en l’occurrence l’Allemagne, les Etats-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.  Dans chacun de ces pays, la majorité de la population juge que le commerce international est une bonne chose ; cette proportion est la plus forte en Allemagne et au Royaume-Uni et la plus faible parmi les Etats-Unis et l’Italie (cf. graphique). 

Part de la population déclarant que le commerce international est une bonne chose (en %)

Les attitudes vis-à-vis du commerce international se sont dégradées dans les années 2000, avant qu’éclate la crise financière mondiale, une période qui avait notamment été marquée par l’essor de la Chine. Cette détérioration de l’opinion a été relativement plus forte dans les pays où la concurrence des importations chinoises s’est le plus accentuée. Puis, au cours de la dernière décennie, les attitudes vis-à-vis du commerce se sont améliorées, et ce aussi bien aux Etats-Unis que dans les pays européens. Cette seconde période a été marquée à la fois par une accentuation des tensions protectionnistes, un ralentissement de la croissance des exportations chinoises et une stabilisation, voire un rebond, de la part de l’emploi industriel dans les pays développés.

Davenport et ses coauteurs se sont ensuite focalisés sur la vague d’enquête réalisée en 2018, dans la mesure où celle-ci inclut des questions portant plus spécifiquement sur les effets du commerce international. Dans la majorité des 17 pays de l’OCDE qu’ils observent alors, il apparaît que seulement 20 % à 40 % des répondants estiment que le commerce international est susceptible d’avoir pour effet de réduire les prix, d’augmenter les salaires ou de créer des emplois. En l’occurrence, dans la majorité des pays observés, une plus grande proportion de la population croit que le commerce international crée des emplois qu’il n’augmente les salaires ou réduit les prix.

En distinguant les répondants de l’enquête selon leurs caractéristiques individuelles, Davenport et ses coauteurs constatent que ce sont les diplômés du supérieur qui ont le plus de chances d’avoir une bonne opinion du commerce international et de croire que celui-ci est susceptible de se traduire par une baisse des prêts, des créations d’emplois ou des hausses de salaires. 


Référence

DAVENPORT, Alex, David DORN & Peter LEVELL (2021), « Import competition and public attitudes towards trade », IZA, discussion paper, n° 14532