Stephen Broadberry, Bruce Campbell, Alexander Klein, Mark Overton et Bas van Leeuwen (2022) ont utilisé les estimations annuelles du PIB pour étudier les cycles d’affaires qui se sont déroulés en Angleterre entre 1270 et 1700, puis en Grande-Bretagne de 1700 à 1870. Ils ont identifié les cycles d’affaires en appliquant le filtre Hodrick-Prescott aux estimations du PIB pour extraire la composante cyclique (cf. graphique).
Broadberry et ses coauteurs ont identifié plus de 180 cycles au cours des six siècles observés et pourtant ils ne trouvent pas deux cycles qui aient été provoqués par les mêmes causes et aient connu les mêmes enchaînements. La guerre a constitué une source récurrente de chocs, en particulier en raison des perturbations qu’elle a occasionnées pour le commerce ; ce fut notamment le cas en 1339, lorsqu’Edouard III a manipulé le commerce de laine à des fins politiques, ou en 1862 quand la guerre civile américaine a privé l’industrie cotonnière du Lancashire de ses intrants de base. Outre les guerres, les mauvaises récoltes, les perturbations du commerce et les explosions épidémiques ont souvent joué un rôle dans l’éclatement des récessions les plus sévères. La récession associée à la peste noire, amorcée en 1349, a été la récession la plus grave que Broadberry et ses coauteurs ont pu déceler au cours de la période étudiée : elle a duré huit ans et elle a été marquée par une contraction du PIB de près de 30 %.
Avant 1730, tout au long des siècles préindustriels, ce sont les fluctuations de la production agricole qui constituaient le plus important contributeur aux fluctuations du PIB. Les chocs touchant l’industrie et le commerce sont devenus de plus en plus influents et l’influence de l’agriculture sur les cycles d’affaires de plus en plus limité, d’une part, en raison des modifications structurelles de l’économie, avec l’accroissement de la part de l’industrie et des services dans la production, et, d’autre part, en raison des avancées technologiques, réduisant la variabilité de la production agricole. A partir de 1670, l’amplitude des récessions a eu tendance à diminuer, à mesure que l’économie croissait, se diversifiait et gagnait en résilience.
Broadberry et ses coauteurs retrouvent leurs conclusions antérieures en notant qu’il y a toujours eu des épisodes au cours desquels une croissance nette prévalait, mais qu’il fallut attendre la fin du dix-septième siècle pour qu’il y ait croissance à long terme : à partir de là, la croissance des expansions parvint à nettement compenser la décroissance des récessions. Cela marque à la fois un changement dans la nature des cycles d’affaires et la transition vers le régime de croissance moderne.
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