mercredi 24 août 2022

Un vote des enfants d’immigrés biaisé vers la gauche ?

Simone Moriconi, Giovanni Peri et Riccardo Turati (2022) ont cherché à savoir si les immigrés de seconde génération nourrissaient des préférences politiques différentes de celles des autochtones de profil similaire. Pour cela, ils ont utilisé des données relatives à 150.000 individus résidant dans 22 pays européens sur la période allant de 2011 à 2017, en combinant des informations tirées de l’European Social Survey à la base de données du Manifesto Project. 

Tout d’abord, ils ont étudié la taille du biais en faveur de la gauche dans le vote des immigrés de seconde génération après avoir contrôlé un large ensemble de caractéristiques individuelles. En moyenne, les enfants des immigrés ont un biais vers la gauche relativement aux natifs. Ce biais reste significatif chez les immigrés de seconde génération relativement aux natifs au profil a priori similaire. Il se maintient également lorsque sont pris en compte plusieurs facteurs spécifiques au pays d’origine ou à celui de destination. En termes de magnitude, ce biais est similaire à celui observé parmi ceux détenant un diplôme du secondaire et légèrement inférieur à celui observé parmi ceux habitant en zone urbaine.

Ensuite, Moriconi et ses coauteurs observent que ce biais en faveur de la gauche semble associé à de plus fortes préférences en faveur d’une intervention publique en vue de réduire les inégalités économiques et sociales et de politiques assurant la liberté individuelle et le droit à l’expression. Cela dit, les immigrés de seconde génération ne présentent ni une forte affiliation partisane, ni une appartenance idéologique prononcée ; il s’agit d’un groupe assez pragmatique.

Les simulations que Moriconi et alii réalisent montrent que le biais des immigrés de seconde génération en faveur de la gauche n’est pas assez fort pour affecter significativement la répartition de l’électorat entre gauche et droite dans la plupart des pays européens. En l’occurrence, cette répartition ne se modifie qu’à peine lorsqu’ils simulent une part des immigrés de seconde génération dans la population équivalente à 20-30 %, c’est-à-dire au niveau qu’elle atteignait lors de son pic au cours du vingtième siècle. Cela confirme indirectement que la culture d’origine et l’expérience partagée par les immigrés de seconde génération ont beau influencer les préférences électorales de ces derniers, l’assimilation dans le pays de destination exerce sur elles une force puissante. 


Référence

MORICONI, Simone, Giovanni PERI & Riccardo TURATI (2022), « Are immigrants more left-leaning than natives? », CESifo, working paper, n° 9859.