Dans un nouveau document de travail publié par le Laboratoire sur les inégalités mondiales, Demetrio Guzzardi, Elisa Palagi, Andrea Roventini et Alessandro Santoro (2022) ont combiné les données tirées des enquêtes, des registres fiscaux et des comptes nationaux pour reconstituer la répartition du revenu en Italie pour la période allant de 2004 à 2015. Ils ont notamment à mieux prendre en compte le biais dans la déclaration des revenus du patrimoine et l’évasion fiscale que n’a pu le faire la littérature existante.
Cette dernière semble en définitive avoir sous-estimé la concentration de la répartition au sommet de la distribution. En effet, selon les estimations de Guzzardi et de ses coauteurs, les parts du revenu rémunérant les 10 %, 1 % et 0,1 % les mieux rémunérés sont supérieures de 2 à 3 points de pourcentage à ce que les précédentes études ont eu tendance à estimer. En 2015, les 10 %, les 1 % et les 0,1 % des Italiens les plus riches gagnaient respectivement 37,5 %, 12 % et 4 % du revenu national avant impôt. Ainsi, les parts de revenu rémunérant les plus hauts revenus sont plus élevées en Italie qu’en France, mais elles restent bien plus faibles qu’aux Etats-Unis (cf. graphiques 1 et 2).
En outre, alors que les précédents travaux ont suggéré que la concentration du revenu est restée relativement stable depuis le milieu des années 2000, Guzzardi et ses coauteurs observent que la part du revenu national rémunérant les 10 %, 1 % et 0,1 % les mieux rémunérés a eu tendance à régulièrement augmenter depuis 2008.
De plus, il apparaît que la chute du revenu réel par adulte a certes affecté l’ensemble des groupes de revenu dans la population, mais elle qu’elle n’a pas été uniforme selon d’autres variables sociodémographiques. En l’occurrence, elle a été relativement plus forte pour les jeunes : les personnes âgées de 18 à 25 ans et appartenant à la moitié inférieure de la répartition ont perdu environ 44 % de leur revenu en termes réels entre 2004 et 2015. Les inégalités de genre sont également significatives et particulièrement prononcées au sommet de la distribution : les femmes représentent moins de 10 % des 0,1 % les mieux rémunérés et elles ne gagnent en moyenne que la moitié du revenu gagné par les hommes. Les revenus sont en outre plus élevés au nord qu’au sud de l’Italie.
Le système fiscal peut difficilement contenir la hausse des inégalités de revenu qu'observent Guzzardi et ses coauteurs. En effet, la fiscalité italienne ne s’avère que légèrement progressive jusqu’au 95ème centile de la répartition du revenu ; elle est régressive pour les 5 % des ménages les mieux rémunérés. Quant à la fiscalité sur le patrimoine, elle apparaît quant à elle régressive sur l’ensemble de la répartition du patrimoine.
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