lundi 27 septembre 2021

La vigueur d’une reprise dépend de la composition de la demande

Le profil d’une reprise dépend étroitement du comportement des ménages et des entreprises : elle sera d’autant plus forte qu’ils expriment une demande de rattrapage. Ainsi, l’économie a d’autant plus de chances de revenir sur la trajectoire qu’elle suivait avant la crise et d’effacer les effets de cette dernière que les agents sont désireux (et à même) de réaliser les dépenses qu’ils se sont privés de réaliser lors de la récession.

La théorie du consommateur de base suggère que la demande de rattrapage est susceptible d’être plus forte pour les biens durables (Mankiw, 1982 ; Caballero, 1993). En effet, si un consommateur, lors d’une récession, annule son projet d’acheter une voiture ou une télévision en raison de la conjoncture, il est probable qu’il achètera ce bien une fois que celle-ci s’améliorera. Par contre, si un consommateur, lors d’une récession, va moins souvent chez le coiffeur ou au restaurant, il est peu probable qu’il y aille plus souvent une fois que s’améliorera la conjoncture.

Martin Beraja et Christian Wolf (2021) ont exploré l’idée que les reprises suite aux récessions tirées par la demande puissent être plus faibles lorsque la chute des dépenses s’est concentrée dans les secteurs des services ou des biens non durables plutôt que dans le secteur des biens durables. Pour cela, ils se sont tout d’abord appuyés sur un modèle multi-sectoriel où la composition sectorielle de la récession varie avec, d’une part, les parts sectorielles des dépenses à long terme et, d’autre part, l’incidence sectorielle des chocs. Ils concluent que cela peut effectivement être le cas si les chocs récessifs ont touché l’ensemble de secteurs de l’économie et si les dépenses dans les biens durables reviennent à la normale plus rapidement que les dépenses de services. En étudiant les données américaines, Beraja et Wolf estiment que celles-ci vont dans le sens de ce résultat. 

De telles observations ne veulent pas forcément dire qu’une récession sera plus nocive si elle touche les services plutôt que le secteur des biens durables. Beraja et Wolf ont étudié l’impact de la composition sectorielle des chocs pour une récession d’une ampleur donnée. Or, il est très probable qu’une récession tende à être plus grave lorsqu’elle touche le secteur des biens durables plutôt que le secteur des services, en raison d’effets multiplicateurs plus élevés (dans une optique keynésienne) ou d’une plus forte substituabilité intertemporelle (dans une optique néoclassique) (Barsky et alii, 2007).

Pour autant, la possibilité que la vitesse de la reprise dépende de la composition sectorielle de la demande n’est pas sans implications pour la conduite de la politique économique. En l’occurrence, la banque centrale doit prendre en compte l’impact sectoriel des chocs touchant l’économie. Si elle ne le fait pas, elle risque de resserrer hâtivement sa politique monétaire lorsque les effets de la récession se sont concentrés dans les services, freinant ainsi la reprise de l’activité.

 

Références

BARSKY, Robert B., Christopher L. HOUSE & Miles S. Kimball (2007), « Sticky-price models and durable goods », American Economic Review, vol. 97, n° 3.

BERAJA, Martin, & Christian K. WOLF (2021), « Demand composition and the strength of recoveries », NBER, working paper, n° 29304. 

CABALLERO, R. J. (1993), « Durable goods: An explanation for their slow adjustment », Journal of Political Economy, vol. 101, n° 2. 

MANKIW, N. Gregory (1982), « Hall's consumption hypothesis and durable goods », Journal of Monetary Economics, vol. 10, n° 3.