samedi 11 septembre 2021

Comment le revenu influence le désir d’émigrer

Monica Langella et Alan Manning (2021) ont étudié comment le revenu, aussi bien celui des ménages que le revenu agrégé des pays, influence le désir d’émigrer et le choix du pays de destination. Pour cela, ils ont utilisé les données tirées de l’enquête Gallup World Poll, qui demande aux individus s’ils aimeraient émigrer et, si c’est le cas, quelle serait leur destination favorite. Dans la mesure où une telle enquête ne permet de saisir qu’une vague aspiration plutôt qu’un projet bien établi, ils se sont également appuyés sur les données tirées du Diversity Visa Program mené aux Etats-Unis, une loterie de cartes de séjour permettant à des personnes désirant émigrer de concrétiser leur projet.

Langella et Manning constatent que le désir d’émigrer vers un pays sera d’autant plus fort que le niveau de PIB par tête de ce dernier est élevé. Ils se tournent ensuite vers l’hypothèse de la sélection de George Borjas (1987), selon laquelle les émigrés désirent émigrer vers les pays présentant un rendement plus élevé pour leur niveau de diplôme : leur analyse des données ne leur permet pas de valider de façon robuste une telle hypothèse.

Ensuite, ils se penchent sur le rôle du revenu du pays d’origine sur le désir d’émigrer. Selon Zelinsky (1971), il y aurait une relation en forme de bosse entre revenu et émigration : l’émigration tendrait tout d’abord à augmenter avec la poursuite de la croissance, puis elle atteindrait un pic avant de diminuer. Une telle hypothèse est intéressante à vérifier car beaucoup préconisent de stimuler le développement économique pour réduire les pressions migratoires, or Zelinsky suggère qu’à partir d’un certain niveau de développement une telle politique s’avère inefficace. Langella et Manning constatent que, dans les pays les plus pauvres, les plus riches sont les plus susceptibles de désirer émigrer, alors que c’est l’inverse dans les pays les plus riches.

Par contre, lorsqu’ils se tournent vers le niveau agrégé, ils ne valident pas l'hypothèse de Zelinsky : il y a une relation négative entre le PIB par tête moyen d’un pays et le désir d’émigrer pour tous les niveaux de PIB par tête. Par contre, il y a une forte asymétrie dans l’impact estimé du revenu du pays d’origine et du pays de destination : le revenu est moins important pour déterminer si les individus désirent émigrer que pour déterminer le pays vers lequel ils désirent émigrer. De plus, il semble y avoir une non-linéarité dans la relation entre revenu du pays d’origine et désir d’émigrer. La relation négative apparaît plus clairement dans les pays à haut revenu. Langella et Manning en concluent que le développement économique est peu susceptible de réduire les pressions migratoires, si bien qu’ils acceptent ce qu’ils qualifient de version faible de l’hypothèse de Zelinsky.

 

Références

BORJAS, George J. (1987), « Self‐selection and the earnings of immigrants », American Economic Review, vol. 77. 

LANGELLA, Monica, & Alan MANNING (2021), « Income and the desire to migrate », Centre for Economic Performance, discussion paper, n° 1794. 

ZELINSKY, Wilbur (1971), « The hypothesis of the mobility transition », Geographical Review