mardi 25 mai 2021

Les inégalités aggravent les récessions

Ces quatre dernières décennies, les inégalités de revenu ont eu tendance à augmenter dans les pays développés, en particulier dans les pays anglo-saxons, voire également dans les grands pays émergents. Par exemple, aux Etats-Unis, les 1 % des Américains les plus rémunérés gagnaient 45 % de l’ensemble des revenus avant impôt, contre 34 % en 1980. L’une des questions qui se pose est de savoir quels sont les effets d’un tel creusement des inégalités de revenu sur la croissance économique ; cette question a suscité beaucoup d'attention depuis la crise financière mondiale, dans la mesure où la hausse des inégalités semble avoir été à l'origine de celle-ci [Kumhof et alii, 2013].

A travers un modèle théorique, Adrien Auclert et Matthew Rognlie (2018) ont bien montré qu’une hausse des inégalités de revenu est susceptible de déprimer la production agrégée, dans la mesure où la propension marginale à consommer est négativement corrélée avec le revenu. Pour autant, dans leur modélisation, l’effet reste limité au niveau agrégé. 

S’appuyant sur des données empiriques, Jesus Crespo Cuaresma et alii (2018) n’étaient pas parvenus à faire émerger une relation entre les propensions moyennes à consommer et les indices de Gini, ce qui suggérait qu’une hausse des inégalités n’affecte pas la consommation au niveau agrégé. 

Dans une nouvelle étude s’appuyant sur un échantillon de 19 pays développés et 72 pays en développement, Emanuel Kohlscheen, Marco Lombardi et Egon Zakrajšek (2021) ont également analysé dans quelle mesure les inégalités de revenu influencent l’activité économique, mais en prenant en compte la position de l’économie dans le cycle d’affaires. Ils rejoignent les conclusions de Cuaresma et alii en ne décelant pas de lien significatif entre inégalités de revenu et consommation agrégée. Par contre, ils constatent que les inégalités de revenu jouent un rôle significatif lors des récessions : ces dernières entraînent une contraction de la consommation par tête d’autant plus forte et durable que les revenus sont concentrés au sommet de la répartition. Ce résultat s’observe aussi bien pour les pays développés que pour les pays en développement de leur échantillon et aussi bien lors des récessions associées à une crise financière que lors des récessions qui en sont dénuées.

 

Références

AUCLERT, Adrien, & Matthew ROGNLIE (2018), « Inequality and aggregate demand », NBER, working paper, n° 24280.

CUARESMA, Jesus Crespo, Jozef KUBAL & Kristina PETRIKOVA (2018), « Does income inequality affect aggregate consumption? », Empirical Economics, vol. 55, n° 2.

KOHLSCHEEN, Emanuel, Marco LOMBARDI & Egon ZAKRAJŠEK (2021), « Income inequality and the depth of economic downturns », BRI, working paper, n° 943.

KUMHOF, Michael, Romain RANCIÈRE & Pablo WINANT (2013), « Inequality, leverage and crises: The case of endogenous default », FMI, working paper, n° 13/249.