jeudi 27 mai 2021

Quels sont les effets de la politique budgétaire lorsque les taux de change sont fixes ?

Dans les modèles développés par les nouveaux classiques et les théoriciens des cycles réels, la production est peu sensible aux variations des dépenses publiques lorsque le taux de change nominal est fixe, dans la mesure où le taux de change réel s’ajuste rapidement à celles-ci [Backus et alii, 1994]. En l’occurrence, une hausse des dépenses publiques va peut-être directement stimuler l’activité économique, mais elle va aussi entraîner une appréciation du taux de change réel ; cette dernière va exercer un effet d'éviction sur la demande de biens domestiques, si bien que l'effet de la relance budgétaire s'en trouvera finalement neutralisé. Inversement, une baisse des dépenses publiques entraîne une dépréciation du taux de change réel, si bien que ce resserrement budgétaire affectera en définitive peu la production.

De leur côté, dans les modèles des nouveaux keynésiens, notamment leurs modélisations des zones monétaires, la production se révèle très sensible aux variations des dépenses publiques lorsque le taux de change nominal est fixe, dans la mesure où les prix et les salaires, donc en définitive, le taux de change réel, ne s’ajustent que lentement à ces variations [Nakamura et Steinsson, 2014 ; Farhi et Werning, 2016]. En l’occurrence, la hausse des dépenses publiques va stimuler l’activité économique, tandis qu’une baisse des dépenses publiques va se révéler nocive à celle-ci. 

S’inspirant du modèle de Stephanie Schmitt-Grohé et Martín Uribe (2014), Benjamin Born, Francesco D’Ascanio, Gernot Müller et Johannes Pfeifer (2021) montrent que les effets des hausses et des baisses des dépenses publiques sont en fait asymétriques lorsque le taux de change est fixe. Lorsque les dépenses publiques se contractent, la rigidité des salaires nominaux à la baisse empêche l’ajustement du taux de change réel à court terme, si bien que la production et l’emploi se contractent fortement : la contraction budgétaire est absorbée par la production. Par contre, une hausse des dépenses publiques se traduit par une appréciation du taux de change réel. En l’occurrence, la stimulation de la demande va pousser les prix et salaires à la hausse, ce qui entraînera un effet d’éviction sur les dépenses, si bien que la production et l’emploi ne varieront pas en définitive : la relance budgétaire est en fait absorbée par la hausse des salaires et l’appréciation du taux de change. Born et alii retrouvent les prédictions théoriques de leur modèle lorsqu’ils analysent un échantillon de 30 pays pour ces trois dernières décennies.


Références

BACKUS, David K., Patrick J. KEHOE & Finn E. KYDLAND (1994), « Dynamics of the trade balance and the terms of trade: The J-curve? », American Economic Review, vol. 84, n° 1. 

BORN, Benjamin, Francesco D’ASCANIO, Gernot J. MÜLLER & Johannes PFEIFER (2021), « Mr. Keynes meets the classics: Government spending and the real exchange rate », ifo, working paper, n° 352. 

FARHI, Emmanuel, & Ivan WERNING (2016), « Fiscal multipliers: Liquidity traps and currency unions », in John B. Taylor & Harald Uhlig (dir.), Handbook of Macroeconomics, vol. 2, Elsevier. 

NAKAMURA, Emi, & Jón STEINSSON (2014), « Fiscal stimulus in a monetary union: Evidence from US regions », American Economic Review, 104, n° 3. 

SCHMITT-GROHÉ, Stephanie, & Martín URIBE (2016), « Downward nominal wage rigidity, currency pegs, and involuntary unemployment », Journal of Political Economy, vol. 124, n° 5.