Initialement, la hausse de l’inflation en 2021 a tenu en grande partie à la hausse des prix des biens, en particulier des produits alimentaires et de l’énergie. La hausse du prix des services n’a vraiment commencé à accélérer qu’en 2022. La désinflation observée au cours de l’année 2023 tient, quant à elle, avant tout au reflux des prix des aliments et de l’énergie et, dans une moindre mesure, des autres biens. Ainsi, si les prix des services ont initialement joué un rôle mineur dans le récent épisode inflationniste, leur contribution à celui-ci a augmenté au cours du temps (cf. graphique 1).
En comparaison avec les précédentes poussées inflationnistes, Pongpitch Amatyakul, Deniz Igan et Marco Lombardi (2024), chercheurs à la BRI, notent que la croissance du prix des services a été relativement plus persistante. Alors que le rythme de l’actuelle baisse de l’inflation globale et de l’inflation sous-jacente des biens semble assez similaire à celui des précédents épisodes, la croissance du prix des services s’est poursuivie après que l’inflation globale ait atteint son pic (cf. graphique 2).
Pour Amatyakul et ses coauteurs, cela s’explique notamment par la réallocation de la demande entre biens et services. Dans un premier temps, au début de la pandémie et à la première vague de confinements, la demande a été réallouée des services vers les biens, ce qui a notamment entraîné d’importantes perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. Le prix des services a alors baissé relativement à celui des biens. Dans un second temps, avec la pleine réouverture des économies et la normalisation des chaînes d’approvisionnement, la demande a commencé à se réorienter en faveur des services, entraînant cette fois-ci une hausse du prix des services relativement à celui des biens.
Or, selon Amatyakul et ses coauteurs, le fait que l’inflation soit de plus en plus une inflation des prix des services pourrait freiner la désinflation. En effet, les prix des services sont moins sensibles aux prix de l’énergie, si bien qu’ils peuvent ne pas fortement réagir à la baisse des prix de l’énergie. De plus, les services sont plus intensifs en travail que les biens, si bien que la hausse des prix des services tend à être plus persistante que celle des prix des biens. Enfin, comme la pandémie a entraîné une chute du prix des services relativement à celui du prix des biens (autres que les aliments et l’énergie) par rapport à sa tendance antérieure, il pourrait y avoir une phase de rattrapage où le prix des services augmente fortement relativement au prix des biens pour retrouver sa trajectoire initiale.
Or, si la désinflation ralentit, les banques centrales risquent de maintenir leurs politiques monétaires restrictives plus longtemps, au détriment de l'activité économique et de l'emploi.
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