En 2018, l’administration Trump a relevé en plusieurs fois les droits de douane sur les importations en provenance de plusieurs des principaux partenaires à l’échange des Etats-Unis. L’objectif annoncé était d’améliorer la compétitivité de l’industrie américaine et de recréer des emplois dans cette dernière en incitant les producteurs américains à se détourner des importations taxées pour acheter des produits domestiques. Mais en réponse aux mesures protectionnistes, les pays ciblés par ces dernières en ont adoptées en représailles à l’égard des Etats-Unis. Ce fut tout d’abord le cas de la Chine, puis du Mexique, de la Turquie, de l’Union européenne, du Canada et de la Russie.Beata Javorcik, Katherine Stapleton, Benjamin Kett et Layla O’Kane (2022) se sont demandé si la guerre commerciale lancée par l’administration Trump avait effectivement bénéficié aux travailleurs américains. Ils ont utilisé les données des annonces d’emploi publiées en ligne aux Etats-Unis pour déterminer l’impact du conflit commercial sur les opportunités d’emploi des travailleurs américains. Ils ont développé des indicateurs de l’exposition des zones d’emploi à trois grands canaux de l’impact de la guerre commerciale : la protection des producteurs américains vis-à-vis des importations, le coût plus élevé des intrants importants pour les producteurs américains et l’exposition des exportateurs américains aux droits de douane adoptés en représailles par les partenaires commerciaux.
Javorcik et ses coauteurs constatent que les droits de douane sur les intrants importés et les droits de douane adoptés en représailles ont entraîné un déclin relatif des annonces d’emplois en ligne dans les zones d’emploi qu’elles ont affectées. Aussi bien les annonces relatives aux emplois les moins qualifiés que celles relatives aux emplois les plus qualifiés ont décliné, mais la baisse a été plus marquée pour les premières que pour les secondes. Par contre, ils ne décèlent pas d’impact positif de la protection des producteurs américains vis-à-vis des importations sur les offres d’emplois.
En définitive, Javorcik et ses coauteurs estiment que le relèvement des droits de douane a réduit de 175.000 le nombre d’offres d’emplois en 2018, soit l’équivalent de 0,6 % pour du nombre total aux Etats-Unis. En l’occurrence, les deux tiers de ces pertes d’offres d’emplois tiendraient aux droits de douane adoptés sur les intrants importés et le tiers restant aux droits de douane adoptés en représailles.
Reste à savoir pourquoi il ne semble guère y avoir d’effets positifs pour la protection des producteurs américains vis-à-vis des importations. En théorie, pour que les droits de douane stimulent l’emploi domestique, il faut notamment que les consommateurs substituent les importations taxées par des produits domestiques plutôt que par des importations en provenance d’autres pays. Or, comme l’ont notamment noté Fajgelbaum et alii (2022), il semble que le relèvement des droits de douane ait entraîné une hausse des importations américaines en provenance de pays qu’ils n’avaient pas ciblés.
Références