La hausse de l’inflation observée à travers le monde ces deux dernières années a fini par entraîner un resserrement des politiques monétaires, notamment celle de la Réserve fédérale. Or, non seulement les hausses des taux d’intérêt américains ont été historiquement associées à des crises financières et notamment des crises de la dette dans les pays émergents et en développement, mais ces derniers sortent précisément d’un véritable cycle d’endettement [Kose et alii, 2021].
Carlos Arteta, Steven Kamin et Franz Ulrich Ruch ont étudié les conséquences des hausses de taux d’intérêt américains pour les pays émergents et en développement. Pour cela, ils distinguent ces resserrements monétaires selon leurs causes : ils qualifient de « chocs d’inflation » (inflation shocks) les relèvements des anticipations d’inflation, de « chocs de réaction » (reaction shocks) les modifications de la perception que les marchés financiers ont de la fonction de réaction de la Fed et enfin de « chocs réels » (real shocks) les renforcements de l’activité économique.
Il apparaît que les resserrements monétaires provoqués par les chocs d’inflation et les chocs de réaction ont des conséquences particulièrement néfastes : les conditions de financement des pays émergents et en développement se resserrent, la consommation et l’investissement chutent et les gouvernements réduisent leurs dépenses pour améliorer les finances publiques. Les resserrements monétaires provoqués par des chocs de réaction semblent particulièrement susceptibles de faire basculer les pays émergents et en développement dans les crises financières.
Par contre, les resserrements monétaires provoqués par les chocs réels n’affectent guère les conditions de financement des pays émergents et en développement, mais ils sont aussi associés à une amélioration de leurs soldes budgétaires, dans la mesure où leurs gouvernements tendent alors à voir une hausse de leurs recettes et une baisse de leurs dépenses. En effet, lors de tels resserrements monétaires, l’économie américaine est robuste, si bien que dans les pays émergents et en développements les effets négatifs de la hausse des coûts d’emprunt tendent à être compensés par la vigueur des importations américaines et le maintien de la confiance sur les marchés financiers.
Des tels résultats amènent à s’inquiéter des effets de l’actuel cycle de resserrement monétaire de la Fed. Celui-ci tient à ce qu’Arteta et alii ont qualifié de chocs d’inflation et de réaction. Ces effets négatifs vont s'ajouter aux resserrements monétaires auxquels les pays émergents et en développement procèdent pour lutter contre l'inflation. Et ils seront encore aggravés si le resserrement monétaire de la Fed finit par faire plonger l’économie américaine dans la récession.
Références