Plusieurs études suggèrent que le bien-être subjectif, mesuré notamment avec le bonheur et la satisfaction de vivre autodéclarés, suit une trajectoire en forme de U en fonction de l’âge dans de nombreux pays : il diminue à partir de l’adolescence jusqu’à ce que les individus atteignent un âge intermédiaire, puis il rebondit (Blanchflower et Oswald, 2008). Dans tous les pays, le bien-être semble atteindre son minimum autour de l’âge de 50 ans. Le mal-être, mesuré notamment avec le stress et la dépression, suit la trajectoire inverse, c’est-à-dire forme une courbe en forme de U inversé. Les raisons pour lesquelles les courbes du bien-être et du mal-être présentent de tels profils restent débattues.
lundi 15 avril 2024
L’âge du désespoir : la courbe du bonheur est devenue monotone
mardi 2 avril 2024
Comment réduire la dette publique ? La méthode jamaïcaine
Lors de la dernière conférence organisée par la Brookings, Serkan Arslanalp, Barry Eichengreen et Peter Blair Henry (2024) se sont penchés sur un cas remarquable de réduction du ratio dette publique sur PIB observée dans la période récente : celui de la dette publique jamaïcaine depuis 2012. Cette dernière représentait l’équivalent de 144 % du PIB en 2012 ; elle ne représentait que 72 % de celui-ci en 2023 (cf. graphique 1). Le ratio a été tout simplement divisé par deux en une décennie. D’après les dernières prévisions du FMI, il devrait être inférieur à 60 % d’ici ces quatre prochaines années.
Pourtant, le contexte était particulièrement défavorable à un tel désendettement. L’île est particulièrement exposée aux catastrophes naturelles, notamment les cyclones et les séismes. L’économie jamaïcaine est très dépendante du tourisme, si bien qu’elle a été très affectée par la pandémie de Covid-19. Non seulement ces événements peuvent contraindre les finances publiques, notamment en imposant des hausses de dépenses publiques, mais en outre ils peuvent freiner la croissance économique. Entre 2012 et 2023, le PIB réel n’a augmenté que de 0,75 % par an.
Ce qui est également surprenant avec le désendettement jamaïcain est qu'il est passé par le maintien durable d'amples excédents primaires, et ce malgré la faiblesse de la croissance (cf. graphiques 1 et 2). En effet, rares ont été, par le passé, les baisses soutenues du ratio dette publique sur PIB qui ont reposé pour l'essentiel sur les excédents primaires.
Selon Arslanalp et ses coauteurs, le désendettement de la Jamaïque repose sur deux piliers. D’une part, elle a instauré des règles budgétaires qui ont contraint le gouvernement à adopter des plans à moyen terme. Les cibles numériques étaient assez simples. Initialement, en 2010, le Ministère des Finances avait pour objectif de ramener le déficit budgétaire à zéro, le ratio dette publique sur PIB à 100 % et les rémunérations des fonctionnaires à 9 % du PIB d’ici 2016 ; en 2014, le Ministère eut pour objectif supplémentaire de ramener le ratio dette publique sur PIB en-dessous de 60 % d’ici 2026. Ce cadre avait une clause dérogatoire pouvant être invoquée au cas de choc macroéconomique majeur ; elle l’a été lors de la pandémie. Cette flexibilité des règles budgétaires permit à celles-ci d’apparaître comme crédibles, car plus réalistes que des règles rigides.
D’autre part, la Jamaïque a bénéficié d’une très forte réduction de la polarisation politique interne. En 2013, le gouvernement en place, l’opposition et d’autres acteurs politiques se sont accordés pour faire de la réduction de la dette publique un objectif commun. Cet accord s’est notamment traduit par la création d’un comité indépendant ayant pour charge de vérifier que toutes les parties impliquées fournissaient les efforts attendus dans la réduction de la dette.
La Jamaïque avait déjà réalisé par le passé des accords de partenariat, mais ils n'avaient pas eu d'effets sur la trajectoire de la dette publique. Les règles budgétaires avaient été adoptées en 2010, mais cela n'a pas suffi pour contenir la hausse de la dette publique ; celle-ci s'est poursuivie les trois années suivantes. Pour Arslanalp et ses coauteurs, c'est bien la conjonction de ces deux éléments qui permit la réduction soutenue de la dette jamaïcaine.
La question qui se pose est de savoir si la performance jamaïcaine peut être reproduite par d’autres pays. Arslanalp et ses coauteurs notent que deux autres pays ont su amplement réduire leur ratio dette publique sur PIB en adoptant des règles budgétaires et des accords créateurs de consensus : l’Irlande à la fin des années 1980 et la Barbade dans les années 1990. Il s’agit, à l’instar de la Jamaïque, de deux petites économies ouvertes. Le fait d’être des petits pays a certainement facilité les négociations pour adopter l’objectif de désendettement et le mener à bien. D’autre part, le fait que ces économies soient très dépendantes d’un nombre réduit de secteurs, donc très vulnérables aux chocs macroéconomiques, a pu rendre plus impérieuse la coopération entre les différentes parties impliquées.
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