La convergence des taux d’activité et des rémunérations entre les hommes et les femmes a eu tendance à ralentir dans les pays de l’OCDE à partir des années 1990. Plusieurs travaux ont souligné l’importance de la maternité pour expliquer la persistance des inégalités de genre sur le marché du travail (Kleven et alii, 2019b ; Meurs et Pora, 2019 ; Berniell et alii, 2021). Certains d’entre eux ont mentionné le rôle des normes de genre dans celles-ci ; par exemple, Kleven et alii (2019a) ont constaté que, parmi les pays développés qu’ils observent, ceux présentant les plus fortes pénalités salariales associées à la maternité tendaient à être ceux présentant les conceptions relatives au genre les plus conservatrices. Mais ces travaux n’ont toutefois pas placé les normes de genre au centre de leur analyse.
mercredi 29 décembre 2021
L’importance des normes de genre dans l’éloignement des mères de l’emploi
mardi 28 décembre 2021
Politique monétaire et crises financières endogènes
L’effet de la politique monétaire sur la stabilité financière est ambigu. D’un côté, une politique monétaire accommodante peut augmenter le risque de crise financière en incitant les sociétés financières à se lancer dans une chasse au rendement, en alimentant la formation de bulles spéculatives et en fragilisant le bilan des agents. Par exemple, la Réserve fédérale est considérée par beaucoup comme responsable de la crise financière de 2007 en ayant maintenu ses taux d’intérêt trop longtemps trop bas entre 2003 et 2005.
jeudi 23 décembre 2021
Dans quelle mesure les ménages augmentent leur épargne en réaction à une relance budgétaire ?
Plusieurs facteurs sont susceptibles de réduire l’efficacité d’une relance budgétaire. L’un d’eux est le comportement « ricardien » prêté aux ménages. En l’occurrence, si l’Etat s’endette pour financer une relance budgétaire, les ménages risquent d’anticiper un accroissement des impôts qu’ils devront payer dans le futur, donc ils risquent de réagir dans la période courante en accroissant leur épargne. La baisse de l’épargne publique est alors en partie, voire totalement, compensée par une hausse de l’épargne privée neutralisant les effets de la relance sur la demande globale. C’est l’idée d’« équivalence ricardienne », développée à partir des années 1970 par le nouveau classique Robert Barro (1974, 1989). Selon ce dernier, la compensation est totale et donc la relance entièrement neutralisée. Mais sa conclusion dépendait de plusieurs hypothèses fortes, notamment celles de ménages à durée de vie infinie et de marchés financiers parfaits.
mercredi 22 décembre 2021
Les justifications données par les banques centrales influencent-elles les effets de leurs achats d'actifs ?
Les effets d’une mesure de politique monétaire diffèrent-ils selon les justifications données par la banque centrale en les adoptant ? Cette question est importante pour la conduite de la politique monétaire. Les banquiers centraux et de nombreux économistes estiment que ses effets transitent notamment, voire même essentiellement, via son impact sur les anticipations ; l’annonce même d’une mesure exercerait des effets en signalant les intentions ultérieures de la banque centrale, sa fonction de réaction (Woodford, 2005 ; Blinder et alii, 2008). Ce canal du signal se révélerait particulièrement important lorsque les taux d’intérêt nominaux sont contraints par leur borne inférieure effective, comme ce fut le cas dans le sillage de la crise financière mondiale : quand la banque centrale ne peut davantage réduire ses taux directeurs, elle peut toujours essayer d’influencer les anticipations pour stimuler davantage l’activité.
samedi 18 décembre 2021
Quelle est l’ampleur de la redistribution en Europe ? A qui bénéficie-t-elle ?
En s’appuyant sur les données tirées de 28 pays européens, Bernhard Hammer, Michael Christl et Silvia De Poli (2021) ont étudié les différences d’un pays européen à l’autre dans l’ampleur et la direction de la redistribution des revenus. Ils observent celle-ci à travers le net benefit ratio, qui mesure la redistribution nette au niveau du ménage en prenant en compte les impôts payés et les revenus de transfert reçus. En observant cet indicateur, Hammer et ses coauteurs notent que la redistribution est relativement élevée dans les pays au sud et à l’ouest de l’Europe et relativement faible au nord et à l’est de l’Europe (cf. graphique).
Comment évolue la dette publique suite à une récession mondiale ?
En 2020, l’économie mondiale a connu la plus forte contraction qu’elle ait subie depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans son sillage, les gouvernements ont adopté des mesures de soutien budgétaire sans précédent. Avec la récession et les mesures budgétaires, la dette publique mondiale a connu la plus forte hausse sur une année qu’elle ait connue depuis au minimum 1970. En conséquence, elle a atteint 90 % du PIB, soit le niveau le plus élevé qu’elle ait atteint depuis au minimum un demi-siècle. Dans les pays développés, la dette publique n’avait également pas atteint un niveau aussi élevé (en l’occurrence 123 % du PIB) au cours de ces cinq dernières décennies ; dans les pays en développement, elle a retrouvé un niveau qu’elle n’avait plus atteint depuis 1987 (cf. graphique 1).
mercredi 15 décembre 2021
Quelle est la politique monétaire optimale quand l’économie connaît un choc d’offre temporaire et une inertie de la demande ?
Dans le sillage de la pandémie de Covid-19, l’inflation s’est accélérée ces derniers mois, en particulier aux Etats-Unis. Cette accélération s’explique par un rebond plus rapide de la demande globale que de l’offre globale, entraînant des phénomènes de goulots d’étranglement. Beaucoup, notamment au sein des banques centrales, estiment que l’épisode inflationniste est temporaire, dans la mesure où ils considèrent que les goulots d’étranglement devraient rapidement disparaît. D’autres, peut-être plus nombreux, se montrent plus pessimistes, craignant que les goulots d’étranglement persistent et/ou que ménages et entreprises augmentent fortement leurs anticipations d’inflation, conduisant à un véritablement emballement de l’inflation.
mardi 14 décembre 2021
Comment la guerre commerciale sino-américaine a affecté les échanges mondiaux
Après plusieurs décennies de reflux des barrières à l’échange et notamment de réduction des tarifs douaniers, les deux plus grandes économies au monde, la Chine et les Etats-Unis, se sont affrontées dans une guerre commerciale en 2018 et en 2019. Déclenchée par l’administration Trump, celle-ci s’est faite à coups de hausses de droits de douane : les Etats-Unis ont imposé des droits de douane sur l’équivalent de 350 milliards de dollars d’importations en provenance de Chine, tandis que cette dernière a répliqué en imposant des droits de douane sur l’équivalent de 100 milliards de dollars d’importations en provenance des Etats-Unis.
dimanche 12 décembre 2021
Ecarts de productivité et réallocation des facteurs
La croissance de la productivité semble avoir ralenti dans l’ensemble des pays développés dans les années 2000 (Bergeaud et alii, 2016). Pour expliquer ce phénomène, certains, comme Robert Gordon (2012), ont mis l’accent sur l’essoufflement de l’innovation et, plus largement, sur le ralentissement de la croissance à la frontière technologique. D’autres ont plutôt pointé du doigt une possible dégradation dans l’allocation des facteurs de production en notant que les écarts de productivité entre les entreprises à la frontière technologique et celles qui sont en retard sur celle-ci semblent s’être creusés. Par exemple, certains, comme Dan Andrews et alii (2015) suggèrent que la révolution numérique a permis aux firmes meneuses de consolider leur position dominante dans la mesure où les effets de réseau associés aux technologies d'information et de communication peuvent agir comme barrières à l’entrée et entraîner ainsi des phénomènes à la winner-takes-the-most.
samedi 11 décembre 2021
L’inflation et la hausse du pouvoir de marché des firmes
Par le passé, les récessions tendaient à pousser l’inflation à la baisse, tandis que les reprises tendaient à accélérer l’inflation. Mais dans le sillage de la crise financière mondiale de 2008, l’inflation est restée particulièrement faible et stable malgré d’amples variations de la production et du chômage. Les économistes ont ainsi essayé de comprendre la « déflation manquante » de la Grande Récession et l’« inflation manquante » de la reprise qui l’a suivie.
mercredi 8 décembre 2021
Anatomie de la mobilité intergénérationnelle du revenu en France
En s’appuyant sur les données administratives, Gustave Kenedi et Louis Sirugue (2021) ont fourni de nouvelles estimations de la mobilité intergénérationnelle de revenu en France pour les personnes nées dans les années 1970.
mardi 7 décembre 2021
Pourquoi peu d’économistes travaillent sur le changement climatique ?
Le changement climatique est considéré comme l’un des problèmes les plus importants, si ce n'est el plus important, auquel l’humanité fait actuellement face. Plusieurs études suggèrent notamment qu’il provoquera d’importants dommages économiques, que les mesures adoptées pour le freiner sont elles-mêmes susceptibles de pénaliser l'activité économique, du moins à court terme, etc.
Les économistes ont donc a priori toutes les raisons de s'y intéresser. Pourtant, ils sont relativement peu à travailler sur le sujet. Selon Andrew Oswald et Nicholas Stern (2019), qui notent le très faible nombre d’articles portant sur le thème du changement climatique dans les revues les plus prestigieuses, la science économique serait piégée dans un véritable « équilibre de Nash sous-optimal » : chaque économiste serait peu incité à travailler sur ce thème précisément parce que les autres économistes ne travaillent pas dessus. En l’occurrence, les économistes délaisseraient la question du changement climatique parce qu’ils penseraient qu’ils ont peu de chances de voir un article traitant de ce thème être publié par une revue prestigieuse.
lundi 6 décembre 2021
Quelle a été la taille des multiplicateurs budgétaires au cours de la récession pandémique ?
En réponse à la puissante contraction de l’activité économique provoquée par la pandémie de Covid-19, les gouvernements ont fortement assoupli leur politique budgétaire. L’adoption d’une politique budgétaire contracyclique est effectivement préconisée dans le cas des récessions typiques, dans la mesure où les multiplicateurs budgétaires y apparaissent élevés : d’une part, il y a des capacités de production inutilisées, si bien que l’offre est alors susceptible de répondre plus vite à une hausse de la demande ; d’autre part, les récessions sont souvent associées à un resserrement des conditions de crédit, si bien que la consommation devient alors plus sensible au revenu et que les propensions marginales à consommer sont alors élevées.
dimanche 5 décembre 2021
Quel a été l’impact du télétravail sur le bien-être individuel pendant les confinements ?
L’un des plus probables héritages à long terme de la pandémie de Covid-19 pourrait être un recours plus fréquent télétravail. Dans les pays de l’OCDE, ce dernier ne concernait qu’une infime partie des travailleurs, en l’occurrence entre 3 et 5 % d’entre eux, avant qu’apparaisse le coronavirus. Mais au printemps 2020, dans la plupart des pays, les autorités ont appelé les travailleurs à travailler un maximum à partir du domicile pour réduire les déplacements et freiner ainsi la propagation de l’épidémie. Au Royaume-Uni, par exemple, un tiers des travailleurs occupés ont ainsi brutalement basculé dans le télétravail. Le maintien d’un recours plus massif au télétravail au sortir de la pandémie dépendra, du côté de la demande de travail, de son impact sur la productivité et, du côté de l’offre de travail, de son impact sur le bien-être des travailleurs (Barrero et alii, 2021).
samedi 4 décembre 2021
Les transitions démographiques dans le temps et dans l’espace
Avant que s’amorce la transition démographique, un pays connaît généralement des taux de natalité et de mortalité élevés. La transition démographique commence typiquement quand le taux de mortalité diminue. En conséquence, la croissance démographique s’accélère : la population augmente vite. Ensuite, quelques décennies après, le taux de natalité diminue à son tour, ce qui tend à ralentir la croissance démographique. La transition démographique s’arrête quand le taux de natalité rejoint le taux de mortalité à un faible niveau.
jeudi 2 décembre 2021
La borne inférieure zéro… sur les anticipations d’inflation
La Grande Dépression des années 1930 et plus récemment la stagnation japonaise ont amené beaucoup d’économistes et de banquiers centraux à s’inquiéter d’une éventuelle déflation : la baisse des prix pénaliserait l’activité économique, par exemple en amenant les agents à retarder leurs achats de biens durables ou en accroissant le fardeau de leur dette. C’est notamment la perspective d’une déflation qui a poussé les banques centrales à fortement assouplir leur politique monétaire et notamment à recours à des mesures non conventionnelles comme le forward guidance lors de la crise financière mondiale et, plus récemment, lors de la pandémie de Covid-19. Les modèles à anticipations rationnelles tendent à justifier une telle réaction des autorités monétaires.
mercredi 1 décembre 2021
Etats-Unis : le reflux du chômage pandémique au regard des précédentes reprises
Au cours des dix reprises de l’emploi observées au cours de la période allant de 1949 à 2019, le taux de chômage a eu tendance à baisser régulièrement aux Etats-Unis. En l’occurrence, lors de ces épisodes de reprise observés après 1960, le chômage a eu tendance à refluer au rythme de 10 % par an (cf. graphique 1). Cette observation est d’autant plus surprenante que les hausses initiales du chômage n’ont jamais été provoquées par le même choc : par exemple, la récession de 1981 avait été provoquée par le resserrement de la politique monétaire américaine, tandis que la Grande Récession de 2007 a résulté de l’éclatement d’une bulle immobilière et d’une crise financière. Cette régularité historique a amené Robert Hall et Marianna Kudlyak (2021a) à qualifier d’« inexorables » les reprises de l’emploi aux Etats-Unis.
dimanche 28 novembre 2021
La grippe espagnole a-t-elle mis fin à la première mondialisation ?
Après plusieurs décennies de globalisation financière et d’« hypermondialisation » au cours desquelles le volume d’échanges internationaux de biens et services a augmenté plus vite que la production mondiale, la crise financière mondiale de 2008 a durablement freiné l’expansion du commerce international. La décennie qui suivit fut marquée par les craintes de guerres commerciales et de guerres des monnaies, ainsi que par la montée des mouvements populistes à travers le monde. Avec la pandémie de Covid-19 et les appels à relocaliser certaines productions, notamment celles jugées stratégiques, certains ont de nouveau suggéré que l’actuelle vague de mondialisation venait peut-être d’arriver à son terme, qu’un processus de démondialisation allait désormais s’opérer (Antràs, 2020). Mais pour l’instant, il ne semble pas qu’un renversement de la mondialisation, commerciale comme financière, se soit vraiment amorcé.
samedi 27 novembre 2021
La pandémie de Covid-19, un puissant choc pour les économies dépendantes du tourisme
Les recettes et dépenses mondiales dans les services de voyages internationaux s’élevaient à environ 1.450 milliards de dollars en 2019 ; elles avaient augmenté d’environ 5 % par an en moyenne depuis le début de la décennie 2010. Elles représentaient 23 % de l’ensemble des exportations mondiales de services en 2019 (cf. graphique 1).
vendredi 26 novembre 2021
Les crises financières radicalisent-elles les électeurs ? Ce que l’arrivée d’Hitler au pouvoir doit à la crise bancaire allemande
La crise financière mondiale de 2008, puis la montée des mouvements populistes à travers le monde, ont renouvelé l’intérêt des chercheurs pour les crises financières, pour leurs causes, mais aussi pour leurs répercussions « réelles », notamment leurs conséquences politiques. Plusieurs études ont notamment relié l’essor des partis d’extrême-droite aux crises financières (De Bromhead et alii, 2013 ; Funke et alii, 2016).
samedi 20 novembre 2021
Quel est l’effet des annonces de politique monétaire sur le cours du Bitcoin ?
Les cryptodevises ne se sont vraiment développées que dans les tumultes de la crise financière mondiale. C’est en l’occurrence le cas du Bitcoin, lancé en 2009. Celui-ci se singularise par le fait qu’il relève d’un système de paiement peer-to-peer qui ne dépend pas des institutions financières traditionnelles, mais aussi par le fait que l'offre de bitcoins est limitée et sa croissance prédéterminée. Ses partisans estiment ainsi qu’il joue un rôle de refuge contre les politiques monétaires jugées inflationnistes des différentes banques centrales, un peu comme l’équivalent d’un « or numérique ».
vendredi 19 novembre 2021
Le cycle électoral influe-t-il sur la fiscalité ?
Selon la description qu’en font les théoriciens du choix public, les gouvernants en place auraient tendance à mettre en œuvre des politiques budgétaires expansionnistes avant les élections et à repousser les mesures budgétaires impopulaires comme les hausses d’impôts après les élections afin de maximiser leurs chances de réélections. Autrement dit, le calendrier même des élections affecterait la conjoncture : il y aurait un véritable « cycle d’affaires politique » (Nordhaus, 1975 ; Rogoff et Sibert, 1988 ; Rogoff, 1990).
lundi 15 novembre 2021
Crédit, récessions et inégalités
Plusieurs travaux suggèrent que les inégalités de revenu tendent à exacerber le risque ou l'ampleur d'événements comme les récessions et les crises financières. Après avoir noté que la Grande Dépression des années 1930 et la Grande Récession de 2008 avaient toutes deux été précédées par une hausse des inégalités de revenu, Michael Kumhof et alii (2021) ont montré qu’une telle dynamique de la répartition des revenus était susceptible d’alimenter le risque d’instabilité financière, notamment en incitant les ménages à bas revenus et les classes moyennes à s’endetter. De leur côté, Emanuel Kohlscheen et alii (2021) ont montré que les inégalités de revenu tendaient à aggraver les récessions.
samedi 13 novembre 2021
Pénalité salariale des mères : la faute à la maternité, à la grossesse ou au mariage ?
Plusieurs études ont montré que l’arrivée du premier enfant était suivie chez les femmes par une baisse de leur taux d’activité, de leur temps de travail et de leur rémunération, et ce dans de nombreux pays (Kleven et alii, 2019b ; Kleven et alii, 2019a ; Kleven et alii, 2020 ; Meurs et Pora, 2019). Par exemple, en utilisant les données relatives à 29 pays, Inés Berniell et alii (2021a) ont conclu que le taux d’activité des femmes chutait en moyenne de 25 % après la naissance du premier enfant.
dimanche 7 novembre 2021
Un découplage entre salaires et productivité au Royaume-Uni ?
A long terme, au niveau agrégé, la croissance des rémunérations réelles tend à suivre celle de la productivité. Si le partage de la valeur ajouté est constant, une croissance donnée de la productivité devrait s’accompagner d’une croissance similaire des salaires réels. Si, par contre, la productivité croît plus vite que les salaires, cela signale une déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment du travail.
samedi 6 novembre 2021
Banques centrales et inégalités : quelle est la politique monétaire optimale selon HANK ?
Avant la Grande Récession, la politique monétaire était souvent étudiée à travers des modèles nouveaux keynésiens à agent représentatif (representative agent new Keynesian models ou RANK models). De tels modèles suggéraient qu’il est optimal pour la banque centrale de chercher à stabiliser les prix et à maintenir la production à un niveau efficient (Woodford, 2003). En l’occurrence, ils ont même suggéré, au prix d’hypothèses très restrictives, qu’il n’y a pas d’arbitrage entre inflation et écart de production, si bien que la banque centrale peut se contenter de cibler l’inflation : le seul maintien de l’inflation à sa cible implique alors de facto un maintien de la production à son potentiel, un résultat qu’Olivier Blanchard et Jordi Galí (2007) ont qualifié de « divine coïncidence ».
vendredi 29 octobre 2021
Le capital au vingtième siècle
Des travaux comme ceux de Thomas Piketty (2013) et de Piketty et Gabriel Zucman (2014) ont suggéré que le stock de patrimoine agrégé et les inégalités de patrimoine ont connu une évolution en forme de U tout au long du dernier siècle dans les pays occidentaux : fortement élevés au cours du dix-neuvième siècle, ils auraient diminué à partir de la Première Guerre mondiale pour atteindre un minimum autour des années 1970, avant de repartir à la hausse les décennies suivantes. Selon l'interprétation avancée par Piketty et ses divers coauteurs, les forces de marché auraient tendance à accroître le volume et la concentration du patrimoine, mais différents chocs (comme les guerres mondiales et la Grande Dépression) et des réformes institutionnelles (comme l’introduction d’une fiscalité progressive et le développement de la redistribution) auraient permis de les réduire au cours du vingtième siècle. L’adoption de politiques en faveur du marché, en réduisant la progressivité de l’impôt et en érodant le système redistributif, aurait directement contribué au « retour du capital » ces dernières décennies.
vendredi 22 octobre 2021
Anticipations d’inflation des entreprises : petites leçons d’une enquête française
De l’allocution présidentielle de Milton Friedman (1968) aux travaux des nouveaux keynésiens, en passant par les modèles des nouveaux classiques, notamment celui de Robert Lucas (1972), les anticipations d’inflation jouent un rôle déterminant dans la macroéconomie orthodoxe de ce dernier demi-siècle. Elles ont fini également par tenir une place essentielle dans les communications des banques centrales. Pourtant, les enquêtes visant à saisir les anticipations d’inflation étaient, jusqu’à une période récente, très rares, en particulier dans les pays développés.
samedi 16 octobre 2021
L’immigration est-elle source de convergence culturelle ?
Les flux migratoires sont susceptibles d’entraîner des changements culturels. Dans les pays de destination des flux migratoires, les immigrés adoptent plus ou moins rapidement les valeurs des natifs (via l’assimilation), tandis que ces derniers peuvent adopter certains traits culturels des immigrés (via la dissémination). Paola Giuliano et Marco Tabellini (2020) ont ainsi observé que la présence historique d’immigrés d’Europe aux Etats-Unis avait renforcé les préférences pour la redistribution parmi les individus nés aujourd’hui aux Etats-Unis.
mercredi 13 octobre 2021
Pourquoi les pauvres restent pauvres ? Petite leçon bangladaise
Il y a deux grandes visions pour expliquer pourquoi les pauvres restent pauvres. D’un côté, certains partent de l’idée que les individus font face aux mêmes opportunités, mais qu’ils diffèrent en termes de capacités, de talent ou de motivation. Autrement dit, selon cette première vision des choses, si certains se retrouvent à des emplois mal payés, c’est parce qu’ils sont dénués des capacités nécessaires pour occuper des emplois mieux rémunérés. D’autres partent au contraire de l’idée qu’il y a une inégalité d’opportunités liée à des inégalités initiales d’accès à la richesse, autrement dit que les individus peuvent se retrouver piégés dans une « trappe à pauvreté » : il existerait un seuil de richesse en-deçà duquel les individus restent pauvres [Kraay et McKenzie, 2014 ; Allègre, 2021].
samedi 9 octobre 2021
L’insaisissable explication de la baisse de la part du travail
Pendant longtemps, les économistes ont considéré que le partage de la valeur ajoutée, en l’occurrence entre travail et capital, était constant à long terme. Pour John Maynard Keynes (1939), « la stabilité de la proportion du dividende national rémunérant le travail » constitue « l’un des faits les plus surprenants, et pourtant les mieux établis, dans l’ensemble des statistiques économiques ». Nicholas Kaldor (1961) voyait dans la constance de la part du travail le premier de ses « faits stylisés » à propos de la croissance économique.
dimanche 3 octobre 2021
Pourquoi les inégalités d’espérance de vie augmentent-elles ?
Les inégalités en termes d’espérance de vie ont récemment eu tendance à augmenter dans les autres pays développés (Case et Deaton, 2015 ; Chetty et alii, 2016 ; Currie et Schwandt, 2016 ; Hederos et alii, 2017). Par exemple, parmi les hommes, aux Etats-Unis comme au Danemark, les plus riches ont environ huit années en plus d’espérance de vie à 40 ans que les plus pauvres (cf. graphique). Toujours parmi les hommes, l’écart d’espérance de vie à 40 ans entre les plus riches et les plus pauvres s’est creusé de 1,7 an aux Etats-Unis et de 0,9 an au Danemark entre 2001 et 2014. Au cours de cette période, ce même écart parmi les femmes s’est creusé de 1,8 an aux Etats-Unis, mais est resté constant au Danemark.
samedi 2 octobre 2021
Le rôle de la demande dans l’effondrement des échanges lors de la pandémie
Le commerce mondial s'est brutalement effondré durant la crise financière mondiale en 2009 et durant la phase la plus aigue de la crise du Covid-19 l’année dernière. Durant la crise financière mondiale, le volume combiné du PIB des pays de l’OCDE s’est contracté d’environ 5 % et le volume des importations de biens et services de 17 % entre le pic et le creux ; lors de la crise sanitaire, ces chiffres ont été respectivement de 12 % et 20 %. En termes de magnitude, la chute des échanges a été assez similaire lors des deux épisodes. Relativement à la chute du PIB, l’effondrement des échanges lors de la pandémie a été moindre que celui observé en 2009.
mercredi 29 septembre 2021
La faible inflation coude la courbe de Phillips
Beaucoup ont suggéré que la courbe de Phillips a eu tendance à s’aplatir ces dernières décennies : la relation entre, d’une part, le chômage ou le degré de capacités inutilisées dans l’économie et, d’autre part, l’inflation des prix s’affaiblirait. Alors que par le passé l’inflation s’accélérait lorsque l’économie se rapprochait du plein emploi et, au contraire, ralentissait, voire laissait place à la déflation, lorsqu’elle s’en éloignait, l’ampleur des capacités inutilisées semble de moins en moins affecter l’inflation, au point que certains ont même jugé que la courbe de Phillips était morte.
lundi 27 septembre 2021
La vigueur d’une reprise dépend de la composition de la demande
Le profil d’une reprise dépend étroitement du comportement des ménages et des entreprises : elle sera d’autant plus forte qu’ils expriment une demande de rattrapage. Ainsi, l’économie a d’autant plus de chances de revenir sur la trajectoire qu’elle suivait avant la crise et d’effacer les effets de cette dernière que les agents sont désireux (et à même) de réaliser les dépenses qu’ils se sont privés de réaliser lors de la récession.
vendredi 24 septembre 2021
Keynes et les classiques : une proposition de réinterprétation
Très rapidement après sa publication, la pensée keynésienne n’a plus été discutée à partir de la lecture de la Théorie générale, mais de la reformulation mathématique de celle-ci par John Hicks (1937). Ce dernier, qui voulait déterminer en quoi la vision keynésienne se distinguait de la théorie « classique », a posé les jalons de ce qui finira par constituer le modèle IS-LM. Ce modèle est devenu une pierre angulaire du keynésianisme orthodoxe dans les décennies d’après-guerre, mais beaucoup d’économistes d’obédience néoclassique, notamment ceux regroupés dans l’école monétariste, l’adoptèrent également pour présenter leur point de vue et l’opposer à celui des keynésiens. Son usage a ainsi contribué à faire émerger la croyance qu’une synthèse néoclassique était à l’œuvre.
samedi 11 septembre 2021
Comment le revenu influence le désir d’émigrer
Monica Langella et Alan Manning (2021) ont étudié comment le revenu, aussi bien celui des ménages que le revenu agrégé des pays, influence le désir d’émigrer et le choix du pays de destination. Pour cela, ils ont utilisé les données tirées de l’enquête Gallup World Poll, qui demande aux individus s’ils aimeraient émigrer et, si c’est le cas, quelle serait leur destination favorite. Dans la mesure où une telle enquête ne permet de saisir qu’une vague aspiration plutôt qu’un projet bien établi, ils se sont également appuyés sur les données tirées du Diversity Visa Program mené aux Etats-Unis, une loterie de cartes de séjour permettant à des personnes désirant émigrer de concrétiser leur projet.
jeudi 9 septembre 2021
La rigidité des taux d’intérêt à la baisse : quelles implications pour la politique monétaire ?
Les analyses empiriques suggèrent que les taux prêteurs des banques sont rigides à la baisse : les banques tendent à ajuster leurs taux aux variations des taux du marché interbancaire plus lentement et moins amplement lorsque ces derniers diminuent que lorsqu'ils augmentent. La littérature explique souvent ce constat en mettant en avant la nature imparfaite de la concurrence sur le marché bancaire : les banques disposent d’un certain pouvoir de marché, si bien qu’elles peuvent être tentées de ne pas ajuster pleinement leurs taux à la baisse pour accroître leur marge de profit (Hannan et Berger, 1991). Il pourrait également y avoir un phénomène d’antisélection : les banques pourraient craindre d’attirer des emprunteurs risqués si elles baissaient leurs taux prêteurs (Ausubel, 1991). Dans tous les cas, une telle asymétrie dans l’ajustement des taux des banques est susceptible de rendre également asymétrique la transmission de la politique monétaire à l'activité économique et à l'inflation.
samedi 28 août 2021
Derrière le déclin de r*, la hausse des inégalités ?
Aux Etats-Unis, comme dans d’autres pays développés, le taux d’intérêt naturel (r*) a régulièrement baissé ces quatre dernières décennies et il a atteint ces dernières années des niveaux particulièrement faibles. Une telle dynamique inquiète, non seulement parce qu’elle peut signaler une faiblesse chronique de la demande globale et conforter la thèse d’une stagnation séculaire, mais aussi parce que la faiblesse des taux d’intérêt est propice à la formation de bulles spéculatives et qu’elle contraint l’action de la politique monétaire : face à un choc déflationniste, la banque centrale n’a qu’une latitude limitée pour réduire ses taux.
vendredi 27 août 2021
Quels effets attendre du vieillissement démographique sur les taux d’intérêt, le patrimoine et les déséquilibres mondiaux ?
La population mondiale vieillit rapidement : la part de la population âgée de plus de 50 ans est passée de 15 % à 25 % des années 1950 à aujourd’hui et, selon les prévisions des Nations unies, elle devrait atteindre les 40 % d’ici la fin du vingt-et-unième siècle.
jeudi 26 août 2021
La démocratie séduit… mais seulement lorsqu’elle est prospère ?
Ces dernières décennies, les pays développés semblent connaître une insatisfaction croissante de leurs citoyens à l’égard des institutions démocratiques et une montée des populismes, notamment d’extrême-droite. Toute une littérature, rassurante, s’est développée autour de l’idée qu’un pays est d’autant plus susceptible d’avoir un régime démocratique que son revenu par tête est élevé (Lipset, 1959). Malheureusement, certaines études suggèrent qu’une telle corrélation s’avère particulièrement fragile (Acemoglu et alli, 2008).
mercredi 25 août 2021
L’inflation de documents de travail pèse sur la recherche économique
La publication des travaux dans les revues prennent beaucoup de temps en science économique (en moyenne, plus de deux ans), beaucoup plus que dans les autres sciences (environ 6 mois pour les sciences « dures ») et notamment dans les autres sciences sociales (environ 13 mois en sociologie, psychologie et science politique) (Hadavand et alii, 2021). Par contre, relativement aux autres scientifiques, les économistes ont davantage tendance à publier des documents de travail, ce qui leur permet de diffuser rapidement leurs résultats malgré la longueur du processus de publication dans les revues.
lundi 23 août 2021
Comment s’est comportée la productivité du travail pendant la pandémie ?
Aux Etats-Unis, la productivité du travail a augmenté en moyenne de 1,5 % par an de 1973 à 1995. Ensuite, sa croissance s’est fortement accélérée, notamment avec les gains tirés des technologies d’information et d’information : de 1996 à 2004, elle s’est maintenue au rythme moyen de 3,25 % environ. Elle a ensuite fortement ralenti, et ce avant même qu’éclate la crise financière mondiale, pour revenir au rythme annuel moyen de 1,5 % sur la période allant de 2005 à 2019 et même de moins de 1 % sur la période allant de 2011 à 2019.
samedi 21 août 2021
Les conséquences macroéconomiques de la transition vers la neutralité carbone
Ces dernières semaines, les mégafeux qui ont touché plusieurs continents et la publication du nouveau rapport du GIEC ont rappelé l’extrême urgence de procéder à la décarbonation de l’économie : le monde devra atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour espérer limiter la hausse des températures à 2 °C. En faisant l’hypothèse optimiste que cet objectif sera atteint, Jean Pisani-Ferry (2021) s’est demandé quelles seront les répercussions macroéconomiques de cette transition écologique.
mercredi 18 août 2021
Pourquoi le bien-être ne réagit-il pas de la même façon à une hausse qu’à une baisse du PIB ?
Une hausse donnée du PIB n’augmente pas autant le bien-être qu’une baisse de la même ampleur du PIB ne le réduit. En effet, Jan-Emmanuel De Neve et alii (2018) ont mis en évidence une asymétrie dans la façon par laquelle les variations du PIB affectent le bien-être. En s’appuyant sur les données subjectives tirées de trois bases de données différentes (le Gallup World Poll mené dans 150 pays, l’eurobaromètre et l’enquête BRFSS réalisée aux Etats-Unis), ils ont constaté que les mesures de la satisfaction de vivre sont au moins deux fois plus sensibles à la décroissance qu’à la croissance.
mardi 17 août 2021
Quelle réallocation géographique des travailleurs autochtones face à l’immigration ?
La littérature économique tend à conclure que l’accroissement de l’offre de travail provoquée par l’arrivée d’immigrés réduit à court terme le salaire des autochtones qui leur sont substituables [Borjas, 2003]. Mais notamment par crainte d’un tel effet, l’arrivée d’immigrés dans une zone donnée peut amener les natifs à rechercher un emploi ailleurs et/ou à déménager. Une telle réallocation géographique des autochtones atténue alors l’impact de l’immigration sur les salaires dans la zone d’emploi où s’intègrent les immigrés, mais elle diffuse alors le choc au-delà de cette seule zone. Une telle réaction complique la mesure des répercussions de l’immigration sur les salaires, et ce d’autant plus que les autochtones qui restent n’ont peut-être pas tout à fait les mêmes caractéristiques que ceux qui s’en vont.
vendredi 13 août 2021
Quel lien entre croissance des salaires et inflation aux Etats-Unis ?
Le coût du travail représente une part importante des coûts de production des entreprises, si bien que l’on s’attend à ce que celles-ci relèvent d’autant plus leurs prix de vente pour maintenir leurs profits que les salaires augmentent. Le lien entre coût du travail et prix a précisément joué un rôle clé dans la spirale inflationniste qui toucha les pays développés dans les années 1970 : les salaires augmentaient alors à un rythme soutenu et les entreprises répercutaient alors rapidement la hausse des salaires sur leurs prix, mais la forte inflation qui en résultait alimentait en retour la hausse des salaires.
mercredi 11 août 2021
Les ménages réagissent-ils aux annonces de politique monétaire ?
Ces quatre dernières décennies, les autorités en charge de la politique monétaire ont cherché à rendre de plus en plus transparentes leurs décisions. Depuis les années 1970, la littérature académique a en effet particulièrement souligné l’importance des anticipations, en premier lieu dans la mécanique de l’inflation. La nécessité de gagner en clarté et de jouer sur les anticipations des agents économiques est apparue encore plus aigue dans le sillage de la crise financière mondiale de 2008, lorsque les taux d’intérêt des principales banques centrales se retrouvèrent à zéro et que celles-ci durent recourir à d’autres façons de stimuler l'activité économique. La question est de savoir si les anticipations des entreprises et des ménages sont effectivement influencées par les annonces des banques centrales.
lundi 9 août 2021
Les chocs d’offre keynésiens ont-ils un rôle dans le cycle d’affaire ?
Alors que les récessions résultent en général de chocs de demande, la récession associée à l’épidémie de Covid-19 a été le fruit de chocs touchant aussi bien l’offre globale que la demande globale. Lorsqu'éclata la pandémie, toute une littérature a alors rapidement émergé pour préciser les effets des chocs d’offre. Par exemple, Veronica Guerrieri et alii (2020) ont proposé un modèle dans lequel des chocs d’offre touchant un certain nombre de secteurs dans l’économie sont susceptibles de voir leurs effets être aggravés du côté de la demande globale, au point que cette dernière peut en définitive davantage s’écrouler que l’offre. En l’occurrence, dans leur modèle, ces « chocs d’offre keynésiens » apparaissent du fait que les secteurs touchés par le choc initial proposent des biens complémentaires à ceux proposés par d’autres secteurs, si bien que les consommateurs qui ne peuvent plus acheter auprès des premiers secteurs réduisent aussi leur consommation auprès des seconds. Emmanuel Farhi et David Baqaee (2020) ont abouti à des résultats similaires dans le cadre d’un modèle où ce sont les biens de production qui sont complémentaires. Pour Luca Fornaro et Martin Wolf (2020), les chocs d’offre peuvent devenir keynésiens via le canal de l’investissement, donc la mesure où les entreprises qu'ils touchent réagissent en baissant leurs dépenses d'investissement ; par ce biais, un choc même transitoire est d'ailleurs susceptible d'avoir des effets permanents sur l'activité. De leur côté, Ricardo Caballero et Alp Simsek (2020) montrent que des chocs d’offre négatifs peuvent fortement détériorer la demande globale via leurs effets sur les prix d’actifs.
lundi 2 août 2021
Les « élections de la peur » : comment la pandémie a affecté la participation lors du premier tour des municipales de 2020
En 2020, le premier tour des municipales s’est tenu le 14 mars, guère une poignée de jours avant que le gouvernement n’instaure le premier confinement pour contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19. Les jours précédant le scrutin, le gouvernement avait évoqué la possibilité de le reporter, mais l’ensemble des partis s’étaient prononcés en faveur de son maintien. L’abstention a atteint un niveau record : au niveau national, 44,75 % des inscrits ont voté, soit un taux de participation 18,8 points de pourcentage inférieur à celui du premier tour des précédentes municipales, celles de 2014.
samedi 31 juillet 2021
Comment s’ajuste le compte courant dans le sillage d’une récession ?
Christina Kolerus (2021) a étudié la dynamique des comptes externes au cours de 278 épisodes de récession qui ont été enregistrés au cours de ces 60 dernières années. Son analyse montre que les récessions sont suivies d’une amélioration durable du compte courant : le solde courant s’améliore de l’équivalent d’environ 1,5 % du PIB au cours de la première année et cet effet se maintient pendant cinq ans avant de se dissiper (cf. graphique). L’amélioration est initialement provoquée par une chute ample et durable de l’investissement ; dans l’immédiat, la politique budgétaire contracyclique tend à faire réduire l’épargne agrégée, mais celle-ci est stimulée à moyen terme par le désendettement, notamment du secteur privé. Ces dynamiques ont en effet tendance à réduire les importations en déprimant la demande intérieure.
jeudi 29 juillet 2021
Comment expliquer le déclin du Portugal ?
L’Europe a connu une « Petite Divergence » avant même que s’amorce la Révolution industrielle : autour du dix-septième siècle, l’Europe du nord-ouest prit une avance économique durable sur le reste de l’Europe, notamment vis-à-vis du Portugal. Au milieu du dix-septième siècle, la production par tête du Portugal était plus élevée que celle de la France et de l’Espagne ; elle était certes inférieure à celle de l’Angleterre et des Pays-Bas, mais elle avait tendance à converger vers celles-ci (cf. graphique). Un siècle plus tard, le Portugal était le pays le plus pauvre d’Europe de l’ouest. Alors que l’économie portugaise était jusqu’alors très dynamique et connaissait régulièrement des taux de croissance supérieurs à ceux de l’Angleterre, le tout début du dix-huitième siècle marque une rupture : le PIB et les salaires bruts du Portugal s’effondrèrent, alors que ceux de l’Angleterre augmentèrent plus rapidement [Palma et Reis, 2019].
mardi 27 juillet 2021
Quel lien entre ouverture au commerce international et inégalités de revenu ?
Les années 1980 marquent le début d’une nouvelle vague de mondialisation commerciale, mais aussi d’un nouveau creusement des inégalités de revenu au sein des pays développés (cf. graphique). Beaucoup ont estimé que ces deux phénomènes ont pu être étroitement liés l’un à l’autre. Il faut dire que la théorie invite précisément à prédire un tel lien.
dimanche 25 juillet 2021
Les interactions entre politiques monétaire et budgétaire dans un monde de faibles taux d’intérêt
La banque centrale réagit habituellement à une récession ou à une inflation excessivement faible en réduisant ses taux directeurs. Or, ses taux peuvent se retrouver à zéro sans pour autant qu’elle parvienne à suffisamment soutenir l’activité économique et à ramener l’inflation à sa cible. Le fait que l’inflation et en conséquence les taux d’intérêt aient été extrêmement faibles ces dernières décennies a accru le risque que les taux directeurs se retrouvent contraints par leur borne inférieure zéro (zero lower bound). Une telle situation s’est présentée au Japon au cours des années 1990, dans l’ensemble des pays développés suite à la crise financière mondiale de 2008 et encore plus récemment lors de l’épidémie de Covid-19. Pour assouplir malgré tout davantage leur politique monétaire, les banques centrales ont eu recours à des mesures « non conventionnelles » : par exemple, elles ont procédé à des achats à grande échelle de titres publics dans le cadre de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing) et certaines d’entre elles ont fixé des taux directeurs légèrement négatifs.
jeudi 22 juillet 2021
L’imposition du patrimoine favorise-t-elle l’égalité des chances ? Petite leçon norvégienne
Le capital fait son retour dans les pays développés [Piketty et Zucman, 2014]. Dans la mesure où il y a de fortes inégalités dans la détention du patrimoine, ce phénomène est susceptible d’accroître les inégalités de revenu, de réduire les inégalités des chances et d’alimenter la reproduction sociale. En effet, on a plus de chances d’accumuler du patrimoine et donc de gagner des revenus du patrimoine élevés quand nos parents en possèdent, notamment parce qu’ils peuvent plus facilement nous en transmettre, via les dons et l’héritage. Mais le niveau de patrimoine de nos parents est également susceptible d'influencer notre salaire. En effet, les familles aisées ont plus de latitude pour décider de leur lieu de résidence, ce qui influe sur la réussite scolaire des enfants : par exemple, ces familles peuvent plus facilement résider auprès des établissements scolaires les plus réputés ou donner à leurs enfants une chambre individuelle, c’est-à-dire un espace pour travailler au calme. Il n’est alors pas étonnant que la repatrimonalisation de la société alimente les débats autour des inégalités de patrimoine et autour des dispositifs susceptibles de les réduire, notamment l’imposition du patrimoine.
mardi 20 juillet 2021
Dans quelle mesure la taxe carbone est-elle efficace ? Petite leçon finlandaise
La majorité des économistes s’accordent pour considérer que la taxation des émissions de gaz à effet de serre constitue l’instrument le plus efficace pour (tenter de) concilier la poursuite de la croissance économique avec le ralentissement du changement climatique. L’idée remonte à Arthur Ceci Pigou (1920) et elle a notamment été développée par Martin Weitzman (1974), Nicholas Stern (2007) et William Nordhaus (2019). Pour autant, il y a peu d’analyses empiriques cherchant à évaluer l’efficacité ex post de ce dispositif [Green, 2021]. L’une des raisons est tout simplement que peu de pays taxent effectivement les émissions de gaz à effet de serre : la Finlande a été le premier pays à adopter une taxe carbone, en l’occurrence en 1990.
jeudi 15 juillet 2021
Ce que les populations des pays développés pensent du commerce international
La littérature économique suggère depuis longtemps que l’ouverture d’un pays au commerce international est susceptible de lui procurer des gains, notamment de lui permettre d’accroître ses possibilités de consommation, par exemple en augmentant le pouvoir d’achat des ménages, dans la mesure où les résidents ont désormais accès à des produits moins chers que les produits nationaux. Pour autant, l’ouverture même peut entraîner des coûts immédiats, par exemple des destructions d’emplois dans des secteurs en particulier. Même si les gains sont supérieurs aux coûts, rien n’assure que ces gains et ces coûts soient équitablement répartis au sein de la population. En fait, même les modèles les plus traditionnels du commerce international suggèrent que, dans les pays développés, les travailleurs les plus qualifiés devraient le plus facilement tirer des bénéfices du commerce international sous forme de hausses de salaires et de créations d’emplois et que les travailleurs les moins qualifiés seraient les plus exposés aux délocalisations et aux destructions d’emplois.
jeudi 8 juillet 2021
Le rôle des normes, des préférences et des valeurs dans la lutte contre le changement climatique
Peter Andre, Teodora Boneva, Felix Chopra et Armin Falk (2021) ont cherché à déterminer quelle est la disposition individuelle à combattre le changement climatique, c’est-à-dire la disposition à adopter un comportement plus favorable à la préservation du climat, mais susceptible de se révéler coûteux dans l’immédiat. Pour cela, ils se sont appuyés sur un large échantillon représentatif de la population adulte aux Etats-Unis composé de 8.000 individus. Pour éliciter la disposition individuelle à combattre le réchauffement climatique, ils ont demandé à chaque répondant de partager 450 dollars entre lui-même et une organisation caritative impliquée dans cette lutte.
mardi 29 juin 2021
Les désastres naturels conduisent-ils à une relocalisation de la production ? L'exemple du séisme au Japon en 2011
L’épidémie de Covid-19 a rappelé la dépendance de chaque pays au commerce extérieur et notamment la nature internationalisée et très fragmentée des chaînes de valeur : dans la mesure où les différentes tâches de production d’un bien peuvent impliquer de très nombreux pays, les difficultés de production touchant un pays peuvent affecter aussi bien les entreprises et pays situés en amont de la chaîne d’approvisionnement, en les exposant à des pénuries, que les entreprises et pays situés en aval de celle-ci, en les exposant à une chute de la demande [Boehm et alii, 2019]. Ainsi, dans le sillage de la pandémie, beaucoup appellent ou s’attendent à une relocalisation de nombreuses unités de production au sein des pays développés, notamment en ce qui concerne la production de produits stratégiques et vitaux comme le matériel médical [Javorcik, 2020 ; Kilic et Marin, 2020]. D’autres doutent d’un bouleversement des chaînes d’approvisionnement [Antràs, 2020 ; Baldwin, 2020].
vendredi 25 juin 2021
Quelle a été la contribution de l’esclavage à la croissance américaine ?
Les pays européens ont eu recours à l’esclavage à l’instar des Etats-Unis, mais, à la différence de ces derniers, ils n’y ont guère recouru sur leur territoire métropolitain, n’y recourant essentiellement que dans leurs colonies outre-mer. L’esclavage a par contre été une « institution » de premier ordre sur le sol américain en y fournissant une importante main-d'œuvre bon marché et, malgré qu'il ait été aboli depuis un siècle et demi, son héritage continue de peser sur la société américaine, notamment en façonnant très étroitement les inégalités ethniques.
jeudi 24 juin 2021
Sept décennies de reproduction sociale en Hongrie
Paweł Bukowski, Gregory Clark, Attila Gáspár et Rita Peto (2021) ont cherché à voir dans quelle mesure un profond changement de régime politique et économique est susceptible d'influencer la mobilité sociale. En l’occurrence, ils ont cherché à mesurer l’ampleur et l’évolution de la mobilité sociale en Hongrie pour les familles de milieux populaires et de milieux aisés sur la période allant de 1949 à 1989. La population hongroise a été assez homogène tout au long de cette période, mais cette dernière a connu successivement deux régimes politiques et économiques très différents l'un de l'autre. La sous-période allant de 1949 à 1989 correspond à celle de la république populaire de Hongrie, instaurée par l’Union soviétique au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait d’un régime communiste qui avait pour objectif affiché de favoriser les travailleurs. La période allant de 1989 à 2020 correspond par contre à celle d’une démocratie libérale moderne, tournée vers l’économie de marché.
mercredi 23 juin 2021
Portrait de la mobilité intergénérationnelle à travers le monde
S’appuyant sur les données individuelles tirées de 400 enquêtes couvrant 153 pays et 97 % de la population mondiale nées dans les années 1980, Roy van der Weide, Christoph Lakner, Daniel Gerszon Mahler, Ambar Narayan et Rakesh Ramasubbaiah (2021) ont cherché à dresser le portrait mondial de la mobilité intergénérationnelle. Pour 87 % de la population mondiale, leur base de données leur permet d’observer les tendances en matière de mobilité intergénérationnelle pour les individus nés de 1950 à 1989.
vendredi 18 juin 2021
Quelle est la valeur sociale d’un vaccin contre la Covid-19 ?
Il y a un écart entre la valeur privée de la vaccination et sa valeur sociale. En effet, la vaccination génère des externalités positives, notamment pour les personnes qui ne sont pas vaccinées. En se vaccinant, un individu ne réduit pas seulement les chances qu'il contracte une maladie ; il réduit également les chances qu’il transmette la maladie aux autres. Et, au niveau collectif, la vaccination n’a pas des bénéfices sur le seul plan sanitaire : elle accroît le bien-être de la population, non seulement parce qu’elle freine la propagation d’une épidémie, accélère l’arrivée à l’immunité collective et contient les taux de mortalité, mais aussi parce qu’elle réduit la nécessité que les individus adoptent des gestes de distanciation physique ou que les autorités adoptent des mesures de confinement, des gestes et mesures nocifs à l’activité économique et à la cohésion sociale. Or, ces bénéfices ne sont qu’en partie pris en compte par un individu lorsqu’il prend la décision de se faire vacciner ou non. Lorsqu'une action génère des externalités positives, trop peu d'agents risquent d'entreprendre cette action au regard de ce qui serait optimal du point de vue collectif, dans la mesure où ils ne sont pas rémunérés à la hauteur des bénéfices que la société tire de cette action. En l'occurrence, dans le cas de la vaccination, trop peu d’individus risquent de se faire vacciner par rapport à ce qui serait optimal pour la société.
jeudi 17 juin 2021
Le fair play financier améliore-t-il les performances sportives des clubs de football ?
Ces dernières décennies ont été marquée par une tendance des clubs de football européens à creuser leurs pertes et à s’endetter. Loin d’être de simples entreprises, les clubs ne semblent guère chercher à maximiser leurs profits, peut-être parce que leurs dirigeants sont également en quête de prestige ; le cadre même de la compétition favorise peut-être propice à la mauvaise gestion, etc. Dans tous les cas, afin de mettre un terme à cette spiral d’endettement et veiller à la stabilité financière des clubs, l’UEFA a mis en place au début des années 2010 le fair play financier, un ensemble de règles empêchant les clubs qui se qualifient pour les compétitions de l’UEFA de dépenser davantage qu’ils n’ont obtenu de recettes.
mercredi 16 juin 2021
Les accords internationaux contribuent à réorienter l’innovation en faveur de l’environnement
Le progrès technique joue un rôle fondamental pour atténuer les effets pervers de la croissance économique et, peut-être, permettre à celle-ci de se poursuivre à long terme tout en sauvegardant un minimum des ressources naturelles et contenir le changement climatique. Pour atteindre ces objectifs, les entreprises doivent en effet réorienter leur production : d’une part, elles doivent chercher à produire en utilisant moins de ressources naturelles et en polluant moins et, d’autre part, elles doivent proposer des produits moins énergivores et polluants à l’usage. Elles peuvent être plus ou moins directement incitées à le faire : la raréfaction de certains ressources naturelles, qui devrait se traduire par la hausse de leurs prix, incite directement les entreprises à rechercher des substituts ; les firmes peuvent être plus indirectement incitées à verdir leur production si leur clientèle exige une production et des produits plus éco-responsables ; les autorités publiques peuvent chercher à contenir l’usage et des produits polluants des ressources naturelles menacées de disparition, que ce soit en l’interdisant ou du moins en le limitant via la réglementation ou en le taxant. Mais une telle réorientation de la production n’est véritablement possible que si des substituts plus verts existent, d’où l’importance du progrès technique : si les substituts n’existent pas, ils doivent être trouvés. Ne serait-ce qu’en créant de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités de marché, le fait que la demande de substituts augmente est susceptible de stimuler l’innovation verte [Jaffe et alii, 2002 ; Popp et alii, 2010 ; Popp, 2019].
mardi 15 juin 2021
Pourquoi les gouvernements interviennent-ils après les crises financières ?
Les crises financières constituent un problème endémique pour les économies de marché ; la crise financière mondiale de 2008 et la crise de la dette publique en périphérie de la zone euro 2010 ont rappelé que les pays développés n’étaient pas préservés de tels événements. Et ce rappel a été particulièrement douloureux. En effet, les crises financières endommagent significativement et durablement l’activité économique : cette dernière ne parvient guère à suffisamment rebondir suite à une crise financière pour revenir à la trajectoire qu’elle suivait avant que celle-ci n’éclate. En l’occurrence, la production reste généralement inférieure de 8 à 9 % par rapport à sa trajectoire d’avant-crise [Cerra et Saxena, 2008 ; FMI, 2009 ; Reinhart et Rogoff, 2009].
vendredi 11 juin 2021
Plus de buts, moins de bébés !
Certains médias rapportent une hausse du nombre de naissances dans les villes ou pays dont l’équipe de football a remporté un championnat quelques mois plus tôt ; aux Etats-Unis, certains évoquent des « Super Bowl babies » pour qualifier ce qui semble être une vague de naissances pour les fans d’une équipe quelques mois après que celle-ci ait gagné au Super Bowl.
jeudi 10 juin 2021
Cette fois, ce n’est pas différent : la dynamique des rémunérations et des heures travaillées pendant la pandémie
Afin d'observer l'évolution des rémunérations et du temps de travail lors du cycle d'affaires, Brian Bell, Nicholas Bloom et Jack Blundell (2021) ont utilisé une base de données administratives relatives aux rémunérations au Royaume-Uni allant de la période allant de 1975 à 2020, une période marquée par quatre récessions (cf. graphique).
mardi 8 juin 2021
Les confinements contiennent-ils la mortalité dans les pays pauvres ?
Depuis le printemps 2020, à travers le monde, les gouvernements ont adopté des confinements, plus ou moins stricts, plus ou moins longs, pour contenir la propagation de la pandémie de Covid-19 et en conséquence la mortalité. Ces mesures sanitaires ont un coût économique immédiat : elles se traduisent par une contraction de l'activité économique. Ainsi, pour évoquer l'opportunité ou les risques de l'adoption de telles mesures, beaucoup d’économistes [Hall et alii, 2020 ; Kim et Loayza, 2021], de commentateurs et de responsables politiques ont souvent évoqué un éventuel arbitrage entre santé et économie, entre vies sauvées et revenu.
samedi 5 juin 2021
Quels sont les coûts politiques de l’adoption de mesures climatiques ?
Les gouvernements peinent à adopter des mesures de politique d’atténuation des gaz à effet de serre suffisamment ambitieuses pour espérer contenir la hausse des températures d’ici 2100 en-deçà des 2 °C comme le prévoit l’Accord de Paris signé il y a maintenant plus de cinq ans. En conséquence, c’est bien le scénario d’une hausse de 4 °C vers lequel nous semblons nous diriger, et ce en supposant qu’il n’y ait pas de phénomènes d’emballement.
mardi 1 juin 2021
Qui sont ces prévisionnistes qui croient au taux de chômage naturel ?
Dans le sillage de la crise financière mondiale, les banques centrales ont tellement réduit leurs taux directeurs que ces derniers ont rapidement buté sur leur borne inférieure. Elles ont alors cherché à rendre leur politique monétaire davantage expansionniste en recourant à des moyens « non conventionnels », bien évidemment les achats d’actifs à grande échelle, mais aussi adoptant une forme de stratégie de forward guidance : elles ont mieux précisé leurs prévisions quant à leurs propres mesures de politique monétaire, par exemple la trajectoire future de leurs taux directeurs, afin de mieux piloter les anticipations des agents économiques. Il faut dire que ces derniers sont loin de partager les mêmes croyances quant aux perspectives économiques futures, et ce même parmi les prévisionnistes et les banquiers centraux.
samedi 29 mai 2021
Quand la croissance a-t-elle débuté ?
La croissance économique est un phénomène récent au regard de l’ensemble de l’histoire humaine. On considère traditionnellement qu’elle n’a vraiment débuté qu’autour de 1800. Jusqu’alors la croissance était essentiellement tirée par la croissance démographique ; dans ce régime « malthusien », toute hausse du niveau de vie était rapidement annulée par une hausse de la population, si bien que les niveaux de vie stagnaient quasiment à long terme. C’est la Révolution industrielle qui aurait permis le décollage de la croissance, mais dans une zone géographiquement limitée où elle fut le théâtre. S’ensuivit une véritable « Grande Divergence » entre les niveaux de vie entre l’Europe occidentale et le reste du monde.
jeudi 27 mai 2021
Quels sont les effets de la politique budgétaire lorsque les taux de change sont fixes ?
Dans les modèles développés par les nouveaux classiques et les théoriciens des cycles réels, la production est peu sensible aux variations des dépenses publiques lorsque le taux de change nominal est fixe, dans la mesure où le taux de change réel s’ajuste rapidement à celles-ci [Backus et alii, 1994]. En l’occurrence, une hausse des dépenses publiques va peut-être directement stimuler l’activité économique, mais elle va aussi entraîner une appréciation du taux de change réel ; cette dernière va exercer un effet d'éviction sur la demande de biens domestiques, si bien que l'effet de la relance budgétaire s'en trouvera finalement neutralisé. Inversement, une baisse des dépenses publiques entraîne une dépréciation du taux de change réel, si bien que ce resserrement budgétaire affectera en définitive peu la production.
mercredi 26 mai 2021
Les électeurs punissent-ils les gouvernements qui ont adopté l’austérité ?
Certains estiment que le calendrier des réformes économiques et l’orientation de la politique budgétaire seraient influencés par le calendrier des élections : parce qu’elles sont susceptibles de dégrader l’activité économique, du moins à court terme, les gouvernements auraient tendance à adopter les réformes structurelles et les mesures d’austérité budgétaire au début de leur mandat ; ils auraient par contre tendance à assouplir la politique budgétaire en fin de mandat, afin de stimuler l’activité économique et ainsi accroître leurs chances de rester au pouvoir. Il y aurait ainsi un véritable cycle d’affaires « politique » [Nordhaus, 1975 ; Rogoff et Sibert, 1988 ; Rogoff, 1990]. Dans le même ordre d'idées, les gouvernements seraient moins incités à adopter l'austérité lors des expansions qu'ils ne seraient incités à adopter la relance lors des récessions, ce qui contribuerait à expliquer la hausse tendancielle de l'endettement public [Buchanan et Wagner, 1977].
mardi 25 mai 2021
Les inégalités aggravent les récessions
Ces quatre dernières décennies, les inégalités de revenu ont eu tendance à augmenter dans les pays développés, en particulier dans les pays anglo-saxons, voire également dans les grands pays émergents. Par exemple, aux Etats-Unis, les 1 % des Américains les plus rémunérés gagnaient 45 % de l’ensemble des revenus avant impôt, contre 34 % en 1980. L’une des questions qui se pose est de savoir quels sont les effets d’un tel creusement des inégalités de revenu sur la croissance économique ; cette question a suscité beaucoup d'attention depuis la crise financière mondiale, dans la mesure où la hausse des inégalités semble avoir été à l'origine de celle-ci [Kumhof et alii, 2013].