L’industrie manufacturière américaine a atteint sa maturité au tournant du vingtième siècle : alors que les Etats-Unis étaient un exportateur net de produits de base et un importateur net de produits de biens manufacturés en 1870, leurs entreprises industrielles domestiques sont devenues de plus compétitives relativement à leurs rivales étrangères au cours des décennies suivantes, tandis que les produits de base voyaient leur part dans les exportations américaines diminuer. Or, au cours de cette période, les droits de douanes américains étaient élevés relativement aux autres pays de niveau de développement similaire : ils atteignaient en moyenne 35 %.
dimanche 29 décembre 2024
Les droits de douane expliquent-ils l'essor de l'industrie américaine ?
vendredi 27 décembre 2024
Quand les pressions politiques s’intensifient sur la Fed
Tout au long de son premier mandat de la Président des Etats-Unis, Donald Trump a régulièrement critiqué les décisions de la Réserve fédérale et l’a appelée à adopter une politique monétaire plus accommodante. Lors de la dernière campagne, il a poursuivi ses critiques contre les responsables de la banque centrale, en particulier de son président, Jerome Powell, et suggéré qu’il reviendrait sur son indépendance. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire américaine que le Président en place fasse pression sur la banque centrale pour que celle-ci assouplisse sa politique monétaire. L’exemple le plus illustratif est peut-être celui de la relation entre Nixon et le président de la Réserve fédérale Burns, en particulier à la veille de la réélection du premier.
Plusieurs travaux empiriques ont souligné les bénéfices économiques d’une indépendance politique de la banque centrale (Alesina et Summers, 1993 ; Dincer et Eichengreen, 2014). Cette littérature a notamment établi des indicateurs mesurant le degré d’indépendance des banques centrales et constaté que ces indicateurs étaient négativement et significativement corrélés avec le taux d’inflation. Une telle relation est interprétée comme dénotant la causalité suivante : une plus grande indépendance de la banque centrale entraîne une plus faible inflation (1). L’idée serait qu’une banque centrale plus indépendante est moins poussée par le gouvernement à assouplir sa politique monétaire pour stimuler l’activité économique, ce qui aurait en outre pour effet de mieux ancrer les anticipations d’inflation à un faible niveau. Dans les modélisations de la domination budgétaire (fiscal dominance), comme celle proposée par Sargent et Wallace (1981), les gouvernements seraient tentés de faire pression sur la banque centrale pour financer leurs déficits.
Thomas Drechsel (2024) s’est appuyé sur une stratégie d’identification narrative pour identifier les pressions politiques sur la Réserve fédérale et en quantifier les effets macroéconomiques. Il s’est notamment appuyé sur les données d’archives pour recenser les interactions entre les différents Présidents des Etats-Unis et responsables de la Réserve fédérale sur la période allant de 1933 à 2016. Il note notamment une ample variation dans la fréquence des interactions entre le Président des Etats-Unis et la Réserve fédérale d’un mandat présidentiel à l’autre : alors qu’il n’y a eu que six interactions sous l’administration Clinton, Drechsel en enregistre 160 sous l’administration Nixon (cf. graphique 1). Il définit alors un choc de pressions politiques comme une hausse des interactions entre le Président des Etats-Unis et la Fed qui assouplit la politique monétaire d’une façon inflationniste.
Un choc de pression politique transitoire conduit à une hausse forte et durable de l’inflation. Une hausse de 10 interactions entre le Président des Etats-Unis et le président de la Fed se traduit par une baisse du taux directeur de 100 points de base ; le niveau des prix s’en trouve augmenté de 5 % quatre ans après. Exercer pendant six mois la moitié des pressions que Nixon a pu exercer sur Burns se traduit par une hausse de 8 % du niveau des prix après une décennie. Quant à l’activité réelle, les pressions politiques semblent se traduire par une légère baisse du PIB. Autrement dit, les pressions politiques que le Président des Etats-Unis exerce sur le président de la Fed se révèlent plutôt contre-productives.
Les pressions politiques n’ont pas contribué à l’inflation selon sous l’administration Nixon. Drechsel estime que les chocs de pressions politiques se sont principalement produits dans les années 1970, sous les administrations Nixon et Ford. Elles ont également joué un rôle significatif sous l’administration Johnson, mais guère de rôle sous l’administration Clinton.
(1) Bien sûr, corrélation ne signifie pas nécessairement causalité. Et si une causalité est effectivement à l’œuvre, elle pourrait aller en sens inverse : historiquement, les banques centrales ont pu gagner en indépendance précisément parce qu’elles cherchaient à lutter contre l’inflation.
Références
lundi 9 décembre 2024
Marché du pétrole : les vertus environnementales (inattendues) du pouvoir de marché
Lorsque les entreprises disposent d’un pouvoir de marché, elles tendent à fixer un prix plus élevé qu’elles n’auraient fixé dans une situation de pleine concurrence. Si elles ne contrôlent pas le prix, mais juste la quantité qu’elles produisent, elles peuvent délibérément réduire l’offre pour faire augmenter les prix. Les entreprises peuvent alors peut-être augmenter leurs profits. En revanche, cette situation nuit clairement au consommateur : par rapport à une situation de pleine concurrence, non seulement les demandeurs achètent une quantité moindre de produit, mais en outre ils l’achètent à un prix plus élevé.
dimanche 8 décembre 2024
La productivité américaine, pendant et depuis la pandémie
La productivité joue un rôle clé dans l’amélioration des niveaux de vie. Les gains de productivité permettent aux entreprises de réduire leurs prix, d’accroître les salaires, d’augmenter les profits, voire de diminuer la durée du travail. Ainsi, la croissance de la productivité contribue à accroître de façon soutenable le pouvoir d’achat. Or, aux Etats-Unis, comme dans bien d’autres pays développés, la croissance de la productivité du travail (mesurée par exemple en rapportant la production sur le nombre d’heures travaillées) est faible depuis plusieurs décennies.
samedi 7 décembre 2024
Dans quelle mesure les préférences environnementales se traduisent-elles par un vote écologiste ?
Les préoccupations environnementales ont fortement augmenté ces dernières décennies et une très grande majorité de la population, dans chaque pays, déclare être préoccupée par les problèmes environnementaux. Par exemple, selon un sondage réalisé par le PNUD dans plus de 70 pays, 70 % des répondants sont d’accorder avec l’affirmation selon laquelle le changement climatique affecte leur vie quotidienne et plus de 80 % déclarent désirer que le gouvernement de leur pays entreprenne davantage d’actions pour protéger et restaurer la nature et respecte davantage les engagements pris dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant, les partis écologistes continuent d’obtenir une part relativement réduite des suffrages lors des élections. Cela pourrait refléter plus largement l’existence d’un « écart entre les intentions et l’action » (value-action gap) : les populations les plus soucieuses de la protection de l’environnement (typiquement les riches, qui ont l’empreinte écologique et l’empreinte carbone les plus élevées) sont généralement celles qui le comportement le moins respectueux de l’environnement.
dimanche 1 décembre 2024
Loi d’Okun, ratio V/U et multiplicateur budgétaire
Selon la théorie standard, les autorités budgétaires et monétaires doivent utiliser leurs politiques conjoncturelles pour maintenir sur la production à son potentiel, c’est-à-dire au niveau de production obtenu lorsque l’économie utilise pleinement et efficacement ses ressources. En l’occurrence, le gouvernement doit s’appuyer sur la politique budgétaire : lorsque l’économie est en récession, c’est-à-dire lorsque la production est inférieure à son niveau potentiel, alors le gouvernement doit opter pour la relance budgétaire ; si, inversement, l’économie tend à produire davantage que son potentiel, elle risque de connaître des pressions inflationnistes, si bien que le gouvernement peut réduire celles-ci en recourant à l’austérité budgétaire [1].