Plusieurs travaux ont montré qu’il existait un véritable cycle financier mondial et que celui-ci tiendrait étroitement à l’économie américaine, notamment en raison de l’importance de cette dernière comme centre financier (Rey, 2013 ; Bruno et Shin, 2015 ; Monnet et Puy, 2019). Grâce à la croissance exceptionnellement forte qu’elle a connue ces trois dernières décennies, la Chine constitue désormais la deuxième plus grande économie au monde. Pourtant, les études qui ont cherché à déterminer son influence sur les conditions financières mondiales ont tendance à conclure que celle-ci reste finalement très limitée, en raison de l’intégration très limitée de la Chine au système financier international (Arslanalp et alii, 2016 ; Miranda-Agrippino et alii, 2020).
Il faut dire qu'identifier les répercussions de l’économie chinoise sur le reste du monde est une vraie gageure. Il est déjà en soi difficile d’isoler les chocs de demande domestique. En outre, les statistiques officielles chinoises, présentant notamment une évolution improbablement lisse du PIB chinois, sont particulièrement sujettes à caution.
William Barcelona, Danilo Cascaldi-Garcia, Jasper Hoek et Eva Van Leemput (2022) ont bien cherché à surmonter ces deux difficultés méthodologiques pour déterminer le rôle de l’économie chinoise dans les fluctuations des conditions financières au niveau mondial. Pour isoler les chocs de demande chinois, ils ont cherché à tirer profit du fait que les autorités chinoises exercent un contrôle étroit sur l’offre de crédit domestique. Ils ont construit un indicateur de l’impulsion du crédit en Chine en utilisant différents types de crédits influencés par les autorités chinoise, notamment les prêts bancaires et les obligations publiques locales. En outre, ils ont construit un indicateur alternative du PIB chinois en s’appuyant sur un large ensemble d’indicateurs comme les données relatives au marché de l’immobiliser, aux ventes de voitures, aux exportations d’autres pays vers la Chine, à la luminosité terrestre captée la nuit par les satellites et à la pollution.
Barcelona et ses coauteurs ont alors estimé un modèle VAR bayésien pour quantifier l’impact que les changements de l’impulsion du crédit chinois exercent sur l’activité économique chinoise et sur les conditions financières dans le reste du monde. Ils concluent que la Chine constitue un important facteur du cycle financier mondial. En effet, les variations du crédit domestique chinois provoquées par les autorités chinoises exercent une influence significative sur les conditions du crédit mondiales et l’activité économique mondiale. En l’occurrence, les hausses exogènes du crédit chinois entraînent une baisse de l’aversion face au risque, telle qu’elle est mesurée par l’indicateur VIX, ce qui pousse à la hausse les prix d’actifs et le crédit au niveau mondial.
Pour Barcelona et ses coauteurs, cela s’explique par l’importance de l’économie chinoise dans la consommation mondiale. En effet, ils notent que les politiques de crédit chinoises affectent significativement l’activité économique mondiale depuis la crise financière mondiale : selon leurs estimations, une hausse exogène du crédit chinois équivalente à 1 % du PIB chinois augmente ce dernier de 1,2 % ; deux ans après, elle augmente de 0,3 % le PIB du reste du monde et de 2,2 % les prix des produits de base. Autrement dit, les politiques chinoises d’expansion du crédit entraînent une hausse significative des prix des produits de base et de la production dans le reste du monde via leurs effets sur la demande chinoise. Il apparaît que l’accroissement de la consommation chinoise entraîne une hausse des perspectives de croissance mondiale, ce qui réduit l’aversion au risque au niveau mondial et pousse à la hausse le crédit et les prix d’actif mondiaux.
Ainsi, même si, contrairement aux Etats-Unis, la Chine ne constitue pas un centre financier majeur, ses dynamiques internes affectent les marchés financiers internationaux en raison de sa place dans l’économie mondiale.
Références