Le prix du pétrole brut WTI avait atteint les 123 dollars en mars dernier, soit un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis la crise financière mondiale. Mais alors qu’il y a quatorze ans, la hausse des prix du pétrole s’expliquait avant tout par la hausse de la demande, celle observée en début d’année tient surtout aux perturbations du côté de l’offre. En outre, cette dernière est survenue dans un contexte où le principal taux directeur de la Réserve fédérale était à proximité de zéro, c'est-à-dire lors d'une période de borne inférieure zéro (zero lower bound).
Les hausses des prix du pétrole qui sont associées avec des perturbations du côté de l’offre se traduisent habituellement par une hausse de l’inflation et un recul de l’activité économique. En outre, la banque centrale tend à réagir en augmentant le taux d’intérêt nominal de court terme davantage que n’augmente l’inflation, ce qui pousse davantage les agents à restreindre leurs dépenses.
Mais certains ont suggéré que les effets récessifs de tels chocs pouvaient être moins prononcés, voire que ces derniers exercent des effets expansionnistes, lorsque le taux d’intérêt nominal bute sur sa borne zéro (Eggertsson, 2008). En effet, dans une telle situation, un relèvement des anticipations d’inflation entraîne une baisse du taux d’intérêt réel, ce qui stimule la demande globale. Si cet effet est assez puissant, les entreprises sont poussées à augmenter leur production, malgré la hausse de leurs coûts de production.
Wataru Miyamoto, Thuy Lan Nguyen et Dmitry Sergeyev (2022) ont étudié empiriquement les effets des variations du prix du pétrole sur l’économie américaine quand le taux d’intérêt nominal est à sa borne zéro. En l’occurrence, ils se sont penchés sur les effets des hausses du prix du pétrole qui tiennent à des perturbations du côté de l’offre de pétrole. Pour déterminer si les variations des prix du pétrole s’expliquent par des chocs d’offre ou des chocs de demande, ils ont observé le comportement des prix des contrats à terme sur le pétrole autour des annonces de l’OPEP.
Miyamoto et ses coauteurs constatent qu’en temps normal la production industrielle baisse durablement suite à un choc pétrolier : un an après une hausse de 10 % du prix réel du pétrole, sa baisse est de 1 %. Par contre, lorsque le taux d’intérêt nominal est à sa borne zéro, un tel choc entraîne certes une petite baisse de la production industrielle au cours des cinq premiers mois, sûrement en raison de ses effets récessifs, mais celle-ci augmente par la suite, en l’occurrence de 0,5 % un an après le choc.
En poursuivant leur analyse, Miyamoto et ses coauteurs notent que la réaction des prix est à peu près la même en temps normal et lors des épisodes de borne zéro : suite à une hausse de 10 % du prix réel du pétrole, l’indice des prix à la consommation augmente de 0,5 % dans le premier cas et de plus de 0,4% dans le second. En outre, les ménages révisent à la hausse leurs anticipations d’inflation dans les deux cas. Dans la mesure où le choc pétrolier n’affecte pas le taux d’intérêt nominal lorsque celui-ci est à zéro, il se traduit donc par une baisse du taux d’intérêt réel, ce qui doit stimuler la consommation et l’investissement.
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