vendredi 21 juin 2024

Le chômage a des effets permanents sur le bien-être

De nombreux travaux ont montré que le chômage est associé à une perte en bien-être (Clark et Oswald, 1994 ; Winkelmann et Winkelmann, 1998 ; Dolan et al., 2008 ; Stutzer et Frey, 2010). Parmi eux, certaines analyses suggèrent également que cette perte de bien-être se maintient après la sortie du chômage, mais ces différentes études ne cherchent généralement pas à déceler un impact du chômage sur le bien-être au-delà de quelques années après l’expérience du chômage.

Dans une nouvelle étude, Andrew Clark et Anthony Lepinteur (2024) ont cherché à élargir au maximum la fenêtre temporelle pour voir combien de temps l’effet cicatriciel du chômage se manifeste. Ils ont analysé les données sur les retraités tirées du panel SHARE, retraçant l’expérience sur le marché du travail et le niveau de bien-être de personnes issues de 29 pays européens différents.

Clark et Lepinteur constatent que l’expérience du chômage est associée à une perte en bien-être durant la retraite. Les retraités n’ont donc pas oublié leur expérience du chômage. On pourrait penser que plus cette expérience a eu lieu tôt dans l’existence, plus son souvenir se sera atténué à la retraite. Ce n’est pas le cas : c’est lorsque l’expérience du chômage a eu lieu entre 30 et 50 ans que son effet sur le bien-être lors de la retraite est le plus marqué.

Ces effets sont quelques peu atténués par l’âge : ils sont moindres pour les retraités les plus âgés. Ils dépendent aussi du niveau de diplôme et du genre : ils sont plus élevés pour les plus diplômés que pour les moins diplômés, pour les hommes que pour les femmes, c’est-à-dire possiblement pour ceux qui avaient de hautes attentes sur le marché du travail. 

Clark et Lepinteur ont cherché à mieux comprendre pourquoi le chômage réduit le bien-être. La littérature existante a notamment montré que le chômage dégrade le revenu, la vie familiale et la santé, si bien que son effet cicatriciel sur le bien-être pourrait s’expliquer par la dégradation de ces facteurs. L’expérience du chômage peut aussi avoir un effet plus direct sur le bien-être, notamment de par son impact psychologique, notamment sur la confiance en soi. Au terme de leur analyse des données, Clark et Lepinteur estiment que le chômage a bien un effet en soi sur le bien-être et que cet effet direct est plus fort que ceux indirects passant par le revenu, la vie familiale et la santé.

Clark et Lepinteur remarquent que, malgré les grandes différences entre mes pays, notamment en termes de culture ou de marché du travail, les effets du chômage sur le bien-être qu’ils ont décelés sont assez similaires d’un pays à l’autre. 


Références

CLARK, Andrew E., & Anthony LEPINTEUR (2024), « I can't forget about U: Lifetime unemployment and retirement well-being », IZA, discussion paper, n° 17068. 

CLARK, Andrew E., & Andrew J. OSWALD (1994), « Unhappiness and unemployment », The Economic Journal, vol. 104, n° 424. 

DOLAN, Paul, Tessa PEASGOOD & Mathew WHITE (2008), « Do we really know what makes us happy? A review of the economic literature on the factors associated with subjective well-being », Journal of Economic Psychology, vol. 29, n° 1. 

STUTZER, Alois, & Bruno S. FREY (2010), « Recent advances in the economics of individual subjective well-being », Social Research: An International Quarterly, vol. 77, n° 2.

WINKELMANN, Liliana, & Rainer WINKELMANN (1998), « Why are the unemployed so unhappy? Evidence from panel data », Economica, vol. 65, n° 257.