vendredi 11 novembre 2022

Et si nous étions au bord de la déflation ?

L’inflation s’est accélérée à travers le monde depuis le début de l’année 2021 ; les pays développés connaissent par exemple des taux d’inflation qu’ils n’avaient plus observés depuis une quarantaine d’années. En conséquence, les banques centrales tendent à resserrer leur politique monétaire pour ramener les taux d’inflation à un faible niveau. Elles justifient ce resserrement monétaire en faisant l’hypothèse qu’une inflation poussée par les salaires est susceptible d’occasionner une stagflation. 

En se focalisant tout particulièrement sur le cas des Etats-Unis et du Royaume-Uni, David Blanchflower et Alex Bryson (2022) remettent en cause cette hypothèse. Certes, les taux de chômage sont faibles, les taux de postes vacants élevés, mais ils ne jugent pas pour autant que les marchés du travail connaissent des tensions. Alors que l’on s’attendrait a priori à ce qu’un taux de postes vacants élevé signale des tensions sur le marché du travail, il apparaît que celui-ci est en fait négativement corrélé à la croissance des salaires (Blanchflower et alii, 2022). Ce sont les taux de non-emploi et de sous-emploi qui comptent pour la croissance des salaires : ils présentent une corrélation négative et robuste avec cette dernière. Or, ils restent tous les deux très élevés, si bien qu'ils exercent une pression à la baisse sur la croissance des salaires. Par conséquent, en effritant une confiance des ménages déjà affaiblie, une hausse des taux d’intérêt est susceptible d’aggraver les difficultés des travailleurs à maintenir leurs salaires réels en réduisant davantage la demande de travail.

En outre, Blanchflower et Bryson estiment que les actuelles pressions inflationnistes s’expliquent davantage par des problèmes d’offre de court terme, notamment les perturbations des chaînes de valeur et la hausse des prix de l’énergie provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine, que par un excès de demande. Par conséquent, les pressions inflationnistes semblent être temporaires. 

Par conséquent, la hausse des taux d’intérêt pourrait se révéler contre-productive, en déprimant la demande sur le marché des produits et le marché du travail, alors même que celle-ci est déjà faible. En fait, Blanchflower et Bryson pensent que les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont déjà en récession et que celle-ci ne peut que s’aggraver avec les resserrements monétaires. En définitive, ils anticipent une déflation à moyen terme, couplée à une hausse du chômage. 


Références

BLANCHFLOWER, David G., & Alex BRYSON (2022), « Recession and deflation? », IZA, discussion paper, n° 15695. 

BLANCHFLOWER, David G., Alex BRYSON & Jackson SPURLING (2022), « The wage curve after the Great Recession », IZA, discussion paper, n° 15465.