Lors des récessions, le chômage tend à augmenter. Certains groupes de travailleurs (par exemple les moins qualifiés) et certains secteurs (par exemple l’industrie et la construction lors de la Grande Récession) sont davantage exposés que d’autres à la dégradation du marché du travail. En outre, les effets d’une récession sur la trajectoire professionnelle tendent à être persistants : ceux qui perdent leur emploi lors d’une récession connaissent ultérieurement de moindres salaires que ceux qui l’ont gardé. Les répercussions des récessions sur la trajectoire scolaire et professionnelle des enfants ont été moins étudiées. Deux récentes études contribuent à éclairer cette question. Pour ce faire, elles ont utilisé comme expériences naturelles les crises sévères que les pays scandinaves ont connues au début des années 1990.
Dans une première étude, Eiji Mangyo, Mika Haapanen et Petri Böckerman (2024) ont observé les effets de la récession sur les résultats scolaires des jeunes générations en Finlande. Ils constatent que la crise a davantage dégradé les résultats scolaires des enfants dont les parents ne sont pas diplômés du supérieur que ceux des enfants dont les parents ont un diplôme du supérieur. Autrement dit, la récession est apparue, par ce biais, un facteur d’aggravation des inégalités sociales. En creusant davantage, Mangyo et ses coauteurs concluent que cet effet différencié tient avant tout à la détérioration de l’environnement familial ; le revenu du ménage en tant que tel n’a eu qu’un effet limité.
De leur côté, Julien Grenet, Hans Grönqvist, Edvin Hertegård, Martin Nybom et Jan Stuhler (2024) se sont penchés sur les effets de la crise en Suède. En l’occurrence, ils ont observé comment les étudiants ont ajusté leurs choix de carrière en réponse aux crises économiques et comment cette réaction a affecté leur trajectoire professionnelle ultérieure.
Grenet et ses coauteurs ont constaté que les étudiants dont l’un des parents avait perdu un emploi dans l’industrie ou la construction, les deux secteurs les plus affectés par la crise, ont été les plus susceptibles de se détourner des études menant à des emplois dans l’industrie ou la construction pour choisir des études menant à des emplois dans des secteurs moins affectés par la récession. Par conséquent, ces individus ont eu tendance à mieux réussir sur le marché du travail une fois parvenus à l’âge adulte : leur taux d’emploi et leurs rémunérations ont été plus élevés.
Grenet et al. n’ont pas cherché à étudier l’impact de la récession sur les inégalités sociales. L’effet qu’ils relèvent agit certainement en sens inverse à celui observé par Mangyo et al., mais il n’est probablement pas suffisant pour compenser ce dernier.
Références