Il y a deux décennies, Kenneth Rogoff (2003) s’était penché sur la forte baisse de l’inflation que l’économie mondiale avait connue depuis les années 1980. Il expliquait notamment celle-ci par la mondialisation et la hausse des exportations en provenance de pays à bas coût comme la Chine, ainsi que par la plus grande crédibilité acquise par les banques centrales dans leur lutte contre l’inflation. En l’occurrence, la mondialisation n’a pas seulement contribué à contenir les prix, elle a pu aussi rendre les prix domestiques plus sensibles aux évolutions internationales.
Jongrim Ha, Ayhan Kose, Franziska Ohnsorge et Hakan Yilmazkuday (2023) ont étudié les facteurs derrière les fluctuations de l’inflation mondiale, en définissant celle-ci comme le facteur commun dans l’inflation des pays du G7, au cours du dernier demi-siècle. Pour cela, ils utilisent un modèle VAR où ils observent les contributions de différents chocs, en l’occurrence les chocs de demande, les chocs d’offre, les chocs pétroliers et les chocs de taux d’intérêt.
D’après leurs estimations, les chocs pétroliers et, dans une moindre mesure, les chocs de demande mondiale expliquent l’essentiel de la variation de l’inflation mondiale : au cours de l’ensemble de la période allant de 1970 à 2022, les premiers ont expliqué plus de 38 % des variations de l’inflation et les seconds environ 28 % de celles-ci.
La contribution respective des différents chocs a changé au cours du temps. En l’occurrence, la contribution des chocs de demande et des chocs pétroliers a augmenté au cours du temps, tandis que celle des chocs d’offre a diminué (cf. graphique 1). Selon les estimations de Ha et de ses coauteurs, les chocs de demande et les chocs pétroliers expliquaient 65 % des variations de l’inflation mondiale en 2001-2022, contre 56 % entre 1970 et 2000 ; les chocs d’offre ont contribué à 13 % des variations de l’inflation mondiale entre 2011 et 2022, contre 25 % entre 1970 et 2000. Sur l’ensemble de la période, la contribution des chocs de taux d’intérêt aux variations de l’inflation mondiale a été assez stable : elle a été comprise entre 19 et 22 %.
Les fluctuations de l’inflation autour des récessions mondiales enregistrées depuis 1970 s’expliquent essentiellement par les chocs pétroliers et les chocs de demande. Lors de la pandémie de Covid-19 par exemple, la baisse brutale de l’inflation mondiale s’explique par la chute de la demande mondiale, tandis que le rebond de l’inflation observée à partir du milieu de l’année 2020 s’explique essentiellement par les chocs pétroliers et les chocs de demande (cf. graphique 2).
Enfin, Ha et ses coauteurs soulignent que les contributions des chocs diffèrent selon l’indicateur de l’inflation retenu : les variations de l’inflation des prix à la production sont principalement influencées par les chocs pétroliers, tandis que celles de l’inflation sous-jacente de l’indice des prix à la consommation, c’est-à-dire excluant les prix de l’énergie et des produits alimentaires, particulièrement volatiles, s’expliquent avant tout par les chocs d’offre.
Références