En imposant la distanciation physique et la généralisation du télétravail, l’épidémie de Covid-19 a accéléré la diffusion des nouvelles technologies d’information et de communication. Cette diffusion n’a toutefois pas été égale : pour l’OCDE (2020), elle s'est accompagnée d'une creusement des inégalités dans l’usage de ces technologies.
Le maintien, voire le renforcement, d’une telle « fracture numérique » a des implications au niveau macroéconomique, notamment en freinant le développement du numérique et en conséquence la hausse de la productivité, c’est-à-dire en définitive la croissance économique. Elle peut directement nuire au bien-être de pans entiers de la population, dans la mesure où de plus en plus de services, notamment des services publics et des consultations médicales, sont dématérialisés. La sociabilité repose de plus en plus l’usage du numérique. En définitive, le risque d’isolement et d’exclusion sociale augmente pour ceux qui n’y ont guère accès.
Mathilde Aubouin (2022) a cherché à identifier les déterminants des inégalités dans l’accès au numérique et dans son usage en France. Pour cela, elle a étudié les données tirées des enquêtes menées par l’INSEE entre 2007 et 2019.
Elle met en évidence d’importantes inégalités intergénérationnelles : les plus jeunes ont un meilleur accès et un plus grand usage des technologies numériques que les plus âgés. En l’occurrence, les inégalités sont plus fortes dans l’usage de ces technologies que dans l’accès à celles-ci. Tous deux s’améliorent avec le temps, pour chaque âge (cf. graphique).
En outre, Aubouin observe également des inégalités intragénérationnelles en fonction du niveau de revenu et du niveau d’éducation. Par exemple, entre 2007 et 2019, 95 % des individus détenant un diplôme supérieur au bac + 2 utilisaient internet, alors que seulement 58 % des individus n’ayant pas le bac l'utilisaient. La corrélation de l’accès aux technologies numériques et de leur usage avec, d’une part, le niveau de vie et, d’autre part, le niveau d’éducation n’est guère surprenante, dans la mesure où le manque de compétences et le coût financier constituent les premiers motifs évoqués par les enquêtés pour expliquer leur non-accès au numérique. La principale barrière n’est toutefois pas la même selon l’âge : les barrières financières touchent avant tout les plus jeunes, tandis que les plus âgés sont plus affectés par le manque de compétences numériques.
Il existe certes des inégalités de genre dans l’usage du numérique, en faveur des hommes, mais seulement parmi les plus vieilles générations. Par contre, la densité de la population n’apparaît pas comme un déterminant de la fracture du numérique, si bien qu’Aubouin en conclut que la disponibilité d’infrastructures numériques ne constitue pas une barrière importante dans l’accès au numérique. Il y a bien une fracture numérique entre les villes et les campagnes, mais elle tient non pas à un manque d’infrastructure, mais à un problème de qualité.
Références
OCDE (2020), Digital Transformation in the Age of COVID-19: Building Resilience and Bridging Divides.