samedi 17 août 2024

L’expérience de la solitude pendant la pandémie

Anthony Lepinteur, Alessio Rebechi, Andrew Clark, Conchita D'Ambrosio, Nicholas Rohde et Claus Vögele (2024) ont étudié l’expérience de la solitude lors de la pandémie de Covid-19. Pour cela, ils ont utilisé les données de panel trimestrielles tirées de l’enquête COME-HERE portant sur la santé mentale et le bien-être. Ils ont observé dix vagues d’enquête menées d’avril 2020 à novembre 2022 dans cinq pays européens, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et la Suède.

En termes de prévalence, ils constatent que la solitude a atteint un pic en avril 2020. Celle-ci a suivi une évolution en forme de U Sur le reste de l’année 2020, puis elle est restée relativement stable les deux années suivantes. Cette évolution s’observe dans l’ensemble des groupes sociodémographiques.

Lepinteur et ses coauteurs ont ensuite analysé les déterminants individuels de l’exposition à la solitude lors de l’épisode pandémique et ils les ont comparés avec ceux habituellement mis en avant par la littérature. Il apparaît que plusieurs caractéristiques individuelles qui étaient considérées comme significativement corrélées avec la solitude dans les travaux prépandémiques le sont restées lors de la pandémie : les femmes souffrent plus souvent de solitude que les hommes ; la solitude tend à diminuer avec le niveau de revenu et le niveau d’éducation ; l’emploi et le couple protègent contre la solitude.

En revanche, la pandémie a modifié la relation de la solitude avec l’âge : contrairement à ce qui avait été observé avant la pandémie, ce sont les plus jeunes qui ont été les plus susceptibles de se sentir seuls durant la pandémie. Cette plus grande solitude des jeunes s’explique en partie par la contraction des interactions de face-à-face. La pandémie a ainsi sûrement renforcé la tendance à la baisse du bien-être des jeunes amorcée avant la pandémie (Blanchflower et al., 2024a, 2024b), mais Lepinteur et ses coauteurs ne se penchent pas davantage sur ce point. 

Enfin, ils ont cherché à expliquer l’évolution globale de la solitude lors de la pandémie qu’ils ont initialement documentée. Ils estiment que cette évolution tient aux politiques adoptées lors de la pandémie : les mesures sanitaires, en particulier les confinements, ont eu tendance à alimenter la solitude, tandis que les mesures de soutien économique fournies par les gouvernements ont eu tendance à la réduire. La pandémie en tant que telle, mesurée en termes de taux de mortalité due à la pandémie, n’a eu qu’un effet limité sur la solitude. 


Références

BLANCHFLOWER, David G., Alex BRYSON, Anthony LEPINTEUR & Alan PIPER (2024), « Further evidence on the global decline in the mental health of the young », NBER, working paper, n° 32500. 

BLANCHFLOWER, David G., Alex BRYSON & Xiaowei XU (2024), « The declining mental health of the young and the global disappearance of the hump shape in age in unhappiness », NBER, working paper, n° 32337. 

LEPINTEUR, Anthony, Alessio REBECHI, Andrew E. CLARK, Conchita D'AMBROSIO, Nicholas ROHDE & Claus VÖGELE (2024), « Loneliness during the COVID-19 pandemic: Evidence from five European countries », IZA, discussion paper, n° 17223.