Suite à la crise financière mondiale et à la hausse subséquente de leur dette publique, les gouvernements dans les pays développés ont adopté des mesures d’austérité. Ce fut notamment le cas du gouvernement britannique : alors qu’entre 1999 et 2010, les dépenses publiques réelles par tête en matière de santé, d’éducation et de protection sociale avaient augmenté de 35 % à 75 %, celles de santé ont ensuite stagné, tandis que celles d’éducation et de protection sociale ont baissé (cf. graphique 1). Or, 2010 marque également le début du ralentissement de la hausse des l’espérance de vie au Royaume-Uni. L’austérité a pu ainsi contribuer à ce ralentissement.
Yonatan Berman et Tora Hovland (2024a) ont étudié l’impact des mesures introduites par le gouvernement au Royaume-Uni après 2010 sur l’espérance de vie et la mortalité. Ils ont combiné des données administratives pour constituer un ensemble de données de panel pour la période allant de 2002 à 2019. Ils ont alors appliqué la méthode des différences de différences à ces données pour estimer les effets de la réduction des prestations sociales et des dépenses de santé sur l’espérance de vie et les taux de mortalité.
D’après leurs estimations, ces mesures d’austérité avaient réduit en 2019 l’espérance de vie de plusieurs mois. Les femmes ont été deux fois plus affectées par ces mesures que les hommes : l’espérance de vie des hommes a diminué d’environ 3 mois et celle des femmes d’environ cinq mois.
L’effet est significatif pour la société britannique dans son ensemble. Entre 2010 et 2019, l’austérité a fait reculer de trois ans dans les progrès dans l’espérance de vie. Elle a ainsi occasionné 190.000 décès en excès, correspondant à 3 % de l’ensemble des décès.
Ces tendances s'expliquent davantage par la réduction des prestations sociales que par celle des dépenses de santé. Cela dit, chaque baisse d’une livre des dépenses de santé a eu un effet plus direct et plus significatif sur l’espérance de vie.
Lorsque Berman et Hovland se penchent sur les causes immédiates, ils concluent que la principale cause derrière les décès provoqués par l’austérité a été des « morts de désespoir » (deaths of despair), notamment les décès liés à une overdose de drogue. En l’occurrence, l’austérité britannique pourrait avoir en définitive occasionné environ 1.000 morts par empoisonnement aux drogues. Un autre facteur significatif a été les retards dans l'arrivée des ambulances sur les lieux d'accident.
Références