Lorsque l’inflation augmente, comme ce fut le cas dans le sillage de la pandémie de Covid-19, les banques centrales réagissent en resserrant leur politique monétaire : elles relèvent notamment leurs taux directeurs. En agissant ainsi, elles cherchent à réduire le crédit que les banques commerciales sont prêtes à accorder aux ménages et aux entreprises, mais aussi à le renchérir : si les banques commerciales ont plus de difficulté à se refinancer auprès de la banque centrale, elles tendront également à relever les taux d’intérêt qu’elles proposent à leurs clients, aussi bien les emprunteurs que les déposants. Ainsi, les ménages et les entreprises sont moins capables et moins incités à emprunter. Au contraire, ils pourraient être davantage incités à placer leur épargne pour profiter des taux d’intérêt plus élevés. Dans les deux cas, la demande globale devrait s’en trouver déprimée, ce qui devrait pousser les entreprises à cesser d’augmenter leurs prix.
En utilisant les données relatives à sept taux d’intérêt bancaires dans 30 pays européens, Robert Beyer, Ruo Chen, Claire Li, Florian Misch, Ezgi Ozturk et Lev Ratnovski (2024) ont étudié la transmission des changements de taux directeurs aux taux d’intérêt que les banques commerciales proposent aux ménages et aux entreprises.
Au niveau mondial, l’actuel cycle de resserrement monétaire a été sans précédent en termes d’ampleur et de vitesse (Cavallino et al., 2022). C'est aussi le cas au sein de l'Europe. Et pourtant, Beyer et ses coauteurs constatent que la transmission aux taux d’intérêt bancaires au sein des pays européens a été plus faible et plus lente lors de l’actuel cycle de resserrement que lors des précédents, sauf pour les taux d’intérêt sur les prêts accordés aux sociétés non financières.
Cela pourrait s'expliquer par le niveau initial des taux directeurs : contrairement aux précédents cycles de resserrement, celui en cours a débuté avec des taux directeurs initialement proches de zéro, voire même négatifs. Or Joseph Abadi et al. (2023) ont conclu que, dans une situation où les taux sont proches de leur borne zéro, la transmission de la politique monétaire est plus faible qu'en temps normal. Beyer et ses coauteurs estiment que cela pourrait effectivement avoir contribué à réduire la transmission du resserrement monétaire, mais de façon assez limitée.
En outre, il apparaît que la transmission lors de la phase de resserrement entamée après la pandémie de Covid-19 a été hétérogène selon les pays et selon les types de taux d’intérêt. Les différences de transmission que l’on observe d’un pays à l’autre s’expliquent en partie par les différences dans la concentration des secteurs financiers : les banques commerciales d’un pays ont d’autant moins répercuté les hausses des taux directeurs sur leurs propres taux d’intérêt que leur secteur domestique est concentré. L’une des questions que cette étude soulève est de savoir si la moindre transmission de l’actuel cycle de resserrement par rapport aux précédents cycles ne s’expliquerait pas, du moins en partie, par une érosion de la concentration du secteur bancaire.
Références