Le vingtième siècle a été marqué par un rattrapage des taux d’activité et des salaires des femmes relatives à ceux des hommes (Goldin, 2014). Mais cette convergence a eu tendance à ralentir ces toutes dernières décennies. La littérature a rattaché l’existence et la persistance des inégalités de genre sur le marché du travail aux inégalités de genre dans la répartition du travail domestique, en particulier la garde d'enfants (Bertrand et alii, 2010 ; Meurs et Pora, 2019). Plusieurs travaux ont mis en évidence l’existence d’une véritable « pénalité associée à la maternité », se traduisant par une chute significative et durable des rémunérations des femmes (et non de celle des hommes) immédiatement après l’arrivée du premier enfant (Kleven et al., 2019b ; Kleven et al., 2019a). Or, la garde des enfants en bas âge n'est pas la seule activité dont les femmes prennent en charge de façon disproportionnée. Il y a aussi la garde des petits-enfants.
Dans une nouvelle étude, Mette Gørtz, Sarah Sander et Almudena Sevilla (2023) décèlent également l’existence d’une « pénalité associée à la grand-maternité ». En adoptant une approche quasi-expérimentale et en exploitant une large base de données danoises relatives à la période allant de 1980 à 2017, elles ont étudié comment réagissent les rémunérations, le taux de salaire, le taux d’activité, la probabilité d’être en emploi à temps plein, la durée du travail et l’épargne disponible à la retraite suite à l’arrivée des petits-enfants.
Elles ont constaté qu’après l’arrivée du premier petit-enfant, les rémunérations des femmes diminuent plus amplement que celle des hommes ; cette dernière n’apparaît guère affectée, une fois pris en compte l’année et l’âge. En l’occurrence, cinq ans après l’arrivée du premier petit-enfant, l’écart de rémunérations entre les hommes et les femmes se creuse de 3,8 %. Ce montant est moitié moindre à celui de la pénalité associée à la maternité, mais il reste significatif. Cette baisse de la rémunération tient pour l'essentiel à la baisse de la probabilité d’avoir un emploi à temps plein.
Gørtz et ses coauteures font d’autres constats. Par exemple, la pénalité associée à la grand-maternité apparaît plus élevée lorsque les grands-mères vivent à proximité de leurs petits-enfants, probablement parce qu’elles sont alors plus facilement mobilisable. En outre, la pénalité est plus forte pour les grands-mères maternelles que pour les grands-mères paternelles. Ce constat est cohérent avec l’idée que les premières sont davantage mobilisées que les secondes pour s’occuper des petits-enfants et, plus largement, avec l'idée que des parents continuent d'aider leurs enfants une fois que ces derniers sont adultes, mais avec une aide différenciée selon leur genre (davantage financière dans le cas d'un garçon, davantage matérielle dans le cas d'une fille).
Références