Il y a une quinzaine d'années, lors de la crise financière mondiale, les banques centrales ont fortement réduit leurs taux directeurs pour stabiliser le système financier et soutenir l’activité économique. La crise a toutefois été si violente que le taux des fonds fédéraux, le principal taux d’intérêt de la Réserve fédérale, se retrouvait décembre 2008 à quasiment à zéro. Comme d’autres banques centrales, la Réserve fédérale a dû recourir à d’autres instruments pour continuer de stimuler l’économie. Le premier est l’achat d’actifs à grande échelle associés aux programmes d’assouplissement quantitatif (quantitative easing). Le second est le « forward guidance », consistant pour la banque centrale à mieux communiquer à propos de la trajectoire future du taux directeur. Alors que ce dernier influence directement les taux de court terme, les deux instruments « non conventionnels » visent à influencer les taux d’intérêt à long terme. L’une des questions qui se pose est de savoir dans quelle mesure les instruments non conventionnels peuvent se substituer aux variations du taux directeur, en particulier quand ce dernier est contraint par la borne zéro.
En s’appuyant sur un modèle VAR structurel, Eric Swanson (2023) a cherché à identifier et estimer les effets respectifs des variations du taux des fonds fédéraux, du forward guidance et des achats d’actifs à grande échelle sur l’économie américaine. Pour ce faire, il a notamment utilisé les données à haute fréquence relatives aux variations du taux d’intérêt autour des annonces du comité fédéral d’open market, des « minutes » de celui-ci et des déclarations du président et du vice-président de la Fed.
Une telle analyse est notamment compliquée par le fait que la banque centrale réagit aux informations (Bauer et Swanson, 2023). Par exemple, si les informations à propos de la production sont optimistes, la banque centrale pourrait relever ses taux d’intérêt davantage que ne s’y attendent les marchés financiers. Or, un modèle VAR structurel utilisant des données à haute fréquence pourrait attribuer erronément une partie de la hausse de la production au resserrement de la politique monétaire, si bien qu’il aboutirait à un résultat opposé à celui que prédirait un modèle standard dans le cas d’un resserrement exogène.
En veillant à prendre en compte ce biais, Swanson conclut que les effets de chacun des instruments de politique monétaire étudiés sont conformes à ceux prédits par les modèles standards : il constate qu’un resserrement monétaire entraîne une hausse des spreads de crédit, une baisse de la production et une baisse des prix, peut-être avec un certain délai.
Il constate aussi que les effets de ces trois instruments sur l’économie américaine ne sont pas de la même ampleur : ce sont les variations du taux direct qui exerce les effets les plus puissants, tandis que les achats d’actifs à grande ampleur exercent les effets les moins puissants. Dans une étude antérieure, Swanson (2021) avait pourtant estimé que les politiques non conventionnelles exerçaient des effets de même ampleur que les variations du taux des fonds fédéraux sur des variables financières comme les rendements des bons du Trésor, les rendements des obligations d’entreprises et le taux de change. Cela dit, il constatait aussi que les variations du taux directeur affectait davantage les cours boursiers que ne le faisaient les mesures non conventionnelles et il constate dans sa nouvelle étude que les prix des produits de base réagissent davantage aux variations du taux directeur qu’aux mesures non conventionnelles.
Références