De nombreuses institutions internationales, notamment l’Union européenne, la Banque mondiale et le FMI, considèrent la promotion des investissements directs à l’étranger (IDE) comme un levier de développement pour les pays, en leur permettant notamment de financer plus facilement leurs projets d’investissement ou en participant à diffuser le progrès technique. En l’occurrence, les entrées d’IDE devraient en théorie tout particulièrement profiter aux pays pauvres, dans la mesure où l’insuffisance de leur épargne domestique peut entraver leur développement.
Pourtant, les travaux empiriques amènent les économistes à se montrer moins enthousiastes. Si la littérature tend à conclure en un lien positif entre IDE et croissance économique, celui-ci n’apparaît pas systématique : les IDE ne suffisent pas pour stimuler la croissance. Certains travaux ont suggéré que l’impact positif des IDE sur la croissance était conditionné par certains facteurs, par exemple un certain niveau de capital humain (Borensztein et alii, 1998) ou un certain niveau de développement financier (Alfaro et alii, 2010).
Agustin Bénétrix, Hayley Pallan et Ugo Panizza (2022) viennent de réexaminer le lien entre IDE et croissance économique dans les pays émergents et en développement. Quand ils se penchent sur les premières décennies de leur échantillon, ils ne décèlent pas de corrélation statistiquement significative entre IDE et croissance pour les pays avec des niveaux moyens d’éducation ou de profondeur financière, mais ils mettent par contre en évidence une corrélation positive et statistiquement significative pour les pays avec des secteurs financiers suffisamment bien développés ou dans le niveau de capital humain est élevé, ce qui vient conforter les conclusions auxquelles aboutirent Borensztein et alii et Alfaro et alii.
Mais en poursuivant leur analyse, Bénétrix et ses coauteurs concluent que le lien entre IDE et croissance, ainsi que l’effet conditionnel du capital humain et du développement financier sur celui-ci, varient au cours du temps. En effet, lorsqu’ils se penchent sur les périodes les plus récentes, ils trouvent une relation positive et statistiquement significative entre les IDE et la croissance pour le pays moyen, mais cette relation devient négative pour les pays présentant des niveaux élevés d’éducation ou de développement financier.
Concernant les résultats portant sur la période récente, le premier s’explique peut-être par le fait que le pays moyen a dépassé le seuil (en termes de développement financier ou de niveau d’éducation) à partir duquel les entrées d’IDE favorisent la croissance. Le second résultat se révèle par contre plus dur à expliquer.
Pour Bénétrix et ses coauteurs il est probable que les IDE aient changé de nature ces dernières décennies et ce changement pourrait tenir à la décomposition internationale des processus productifs : en effet, à partir des années 1990, les avancées en matière de technologies de communication ont conduit à une fragmentation et à une internationalisation des chaînes de valeur (Baldwin, 2016). Or, comme l’a suggéré Pol Antràs (2019), deux forces opposées se sont retrouvées à l’œuvre. D’un côté, les chaînes de valeur internationales réduisent les capabilités qu’un pays doit présenter pour recevoir des IDE, ce qui réduit les barrières à l’industrialisation des pays pauvres. D’un autre côté, elles permettent aux multinationales d’employer des travailleurs à bas salaire dans les pays pauvres tout en gardant leurs activités à forte valeur ajoutée dans les pays présentant les niveaux d’éducation les plus élevés, ce qui réduit la capacité des pays pauvres à tirer profit des IDE, par exemple en matière de transferts technologiques.
Références
ANTRÀS, Pol (2019), « Conceptual aspects of global value chains », NBER, working paper, n° 26539.
BALDWIN, Richard (2016), The Great Convergence, Harvard University Press.