mardi 26 septembre 2023

Quel est l’impact de l’immigration sur l’emploi dans les régions européennes ?

La part des immigrés dans la population et, en conséquence, dans la main-d’œuvre des pays européens a eu tendance à augmenter : entre 2010 et 2019, la part des personnes nées à l’étranger dans la main-d’œuvre des pays d’Europe de l’Ouest est passée de 12,8 % à 16,2 %. Cette variation a toutefois été très hétérogène d’une région à l’autre (cf. graphique).

Anthony Edo et Cem Özgüzel (2023) ont étudié l’impact régional de l’immigration sur l’emploi des autochtones en exploitant les enquêtes européennes sur les forces de travail sur la période allant de 2010 à 2019. Ils constatent que l’immigration a eu un effet négatif sur le taux d’emploi des autochtones dans les années qui ont suivi l’arrivée des immigrés sur le marché du travail. En l’occurrence, une hausse de la main-d’œuvre associée à 1 % dans une région donnée réduit le taux d’emploi dans cette région de 0,8 % à court terme. Ces effets ont tendance à disparaître à plus long terme : les opportunités d’emploi des autochtones reviennent à leur niveau initial cinq ans après le choc migratoire. Ces premiers résultats vont notamment dans le sens de plusieurs travaux antérieurs (Angrist et Kugler, 2003 ; Dustmann et al., 2017 ; Borjas et Edo, 2021).

Ces effets apparaissent très hétérogènes d’une région à l’autre et d’une catégorie de travailleurs à l’autre. En effet, ce sont les travailleurs autochtones peu diplômés qui tendent à connaître des pertes d’emploi à cause de l’immigration, tandis que les travailleurs autochtones les plus diplômés sont les plus susceptibles de connaître des gains en termes d’emplois. Ce résultat n’est guère surprenant, dans la mesure où les immigrés tendent à concurrencer les autochtones sur le marché du travail peu qualifié (Dustmann et al., 2013).

De plus, l’impact négatif de l’immigration sur l’emploi apparaît plus faible dans les pays où les institutions du marché du travail sont plus strictes. Une forte protection de l’emploi et un large taux de couverture des accords salariaux collectifs exercent un effet protecteur sur l’emploi des autochtones. Par contre, une forte densité syndicale ne joue pas sur l’impact que l’immigration exerce sur l’emploi.

Enfin, il apparaît que les régions les plus dynamiques économiquement, en l’occurrence celle connaissant une plus forte croissance du PIB, absorbent mieux les travailleurs immigrés : l’immigration y exerce un effet limité, voire nul, sur l'emploi des travailleurs autochtones.

 

Références

ANGRIST, Joshua, & Adriana KUGLER (2003), « Protective or counter-productive? Labour market institutions and the effect of immigration on EU natives », in Economic Journal, vol. 113/488. 

BORJAS, George, & Anthony EDO (2021), « Gender, selection into employment, and the wage impact of immigration », NBER, working paper, n° 28682. 

DUSTMANN, Christian, Tommaso FRATTINI & Ian P. PRESTON (2013), « The effect of immigration along the distribution of wages », in The Review of Economic Studies, vol. 80, n° 1. 

DUSTMANN, Christian, Uta SCHÖNBERG & Jan STUHLER (2017), « Labour supply shocks, native wages and the adjustment of local employment », in Quarterly Journal of Economics, vol. 132. 

EDO, Anthony, & Cem ÖZGÜZEL (2023), « The impact of immigration on the employment dynamics of European regions », IZA, discussion paper, n° 16469.