Ces quatre dernières décennies, le partage de la valeur ajoutée a eu tendance à se déformer au détriment du travail (Karabarbounis et Neiman, 2013). Aux Etats-Unis, la part du travail a diminué de 7 points de pourcentage depuis 1953 : elle est passée de 65 % à 58 %. La déformation du partage de la valeur ajoutée a été particulièrement marquée dans l’industrie : aux Etats-Unis, la part du travail au sein de ce secteur a baissé de 20 points de pourcentage entre les années 1950 et 2016 ; dans les pays de l’OCDE, elle a baissé de 0,34 points de pourcentage en moyenne par an entre 1981 et 2007.
En parallèle, l’imposition des entreprises a diminué (Bachas et alii, 2022 ; Wier et Zucman, 2022). Aux Etats-Unis par exemple, le taux d’imposition moyen des entreprises a quasiment été divisé par trois entre les années 1950 et 2016 : il est passé de 46 % à 16 %. Dans les autres pays de l’OCDE, le taux d’imposition des entreprises a baissé de 19 points de pourcentage en moyenne. Cette baisse de la fiscalité s’explique avant tout par des réformes fiscales.
Pour Barış Kaymak et Immo Schott (2022), ces deux phénomènes sont étroitement liés l’un à l’autre. Ils mettent en évidence une forte corrélation entre l’évolution de l’imposition des entreprises et l’évolution de la part du travail dans l’industrie aussi bien aux Etats-Unis que dans l’ensemble des pays de l’OCDE. En l’occurrence, la baisse de la part du travail a été la plus marquée dans les pays où l’imposition des entreprises a le plus diminué. Selon leurs estimations, 30 à 60 % de la baisse de la part du travail observée dans l’industrie s’expliquerait par la chute de l’imposition des entreprises.
Alors que beaucoup de travaux relient la déformation du partage de la valeur ajoutée à des tendances structurelles comme le progrès technique ou la mondialisation, Kaymak et Schott la relient ainsi à un facteur institutionnel.
Références