vendredi 28 janvier 2022

Les morts collatérales de la pandémie

Les vagues épidémiques de Covid-19, dans un contexte de possible sous-investissement de l’offre de soins hospitaliers, ont mis les systèmes de santé des pays développés sous pression. Par conséquent, ces derniers ont pu ne pas avoir assez de ressources non seulement pour soigner les personnes infectées par le coronavirus, mais aussi pour soigner les autres malades ; ce fut en particulier le cas lorsque l’afflux de malades du Covid a entraîné une réorientation des soins en faveur de ces derniers.

Plus largement, les contaminations, la peur de la contagion et les mesures sanitaires comme les confinements ont pu à la fois comprimer la demande et l’offre de soins pour les personnes souffrant de pathologies autres que le coronavirus, notamment en réduisant les efforts de dépistage de maladies, en poussant les malades à ne pas aller consulter, en amenant le personnel de santé à ne pas pouvoir assurer les consultations et opérations, etc. Par conséquent, des pathologies qui auraient pu être détectées rapidement dans une situation sanitaire normale ne l’ont pas été, des pathologies qui auraient pu être facilement traitées ne l’ont pas été et des vies qui auraient pu être sauvées ne l’ont pas été.

En s’appuyant sur des données tirées du National Health Service allant jusqu’au mois de novembre dernier, Thiemo Fetzer et Christopher Rauh (2022) ont étudié l’impact de la pandémie de Covid-19 en Angleterre sur l’accès au soin des personnes souffrant de problèmes de santé autres que le coronavirus. Ils confirment qu’en Angleterre les soins de santé ont vu leur qualité se détériorer et connaître des phénomènes de congestion, que l’accès aux soins spécialisés a été fortement restreint, que plusieurs services de diagnostic ont été retardés ou tout simplement annulés et que l’accès aux traitements du cancer et l’efficacité de ces derniers se sont détériorés.

Fetzer et Rauh estiment que de la perturbation des soins de santé provoquée par la pandémie a entraîné un décès non dû au coronavirus pour toutes les trente morts dues à ce dernier. Au total, cela représenterait dans le cas anglais une surmortalité s’élevant à 4.003 décès non dus au Covid-19 pour la période allant de mars 2020 à février 2021 (cf. graphique). Ils constatent également que le nombre de morts en excès qui ne sont pas dus au Covid a augmenté rapidement avec le nombre de nouvelles admissions de personnes contaminées par le coronavirus : pour tout doublement de nouvelles admissions dues au Covid, il y a eu quatre décès non dus au Covid additionnels. 

Même si la situation sanitaire revenait rapidement, il faut s’attendre à ce que la pandémie continue indirectement de tuer. En effet, Fetzer et Rauh estiment par exemple qu’il y a eu au moins 32.189 cancers qui n’ont pas commencé à être traités en raison de la pandémie et que 53.068 personnes ont vu leur traitement du cancer être retardé. 

 

Référence

FETZER, Thiemo, & Christopher RAUH (2022), « Pandemic pressures and public health care: Evidence from England », Warwick, economics research paper, n° 1395.