Dans une nouvelle étude du Laboratoire sur les inégalités mondiales, Theresa Neef et Anne-Sophie Robilliard (2021) ont étudié les inégalités de genre dans la répartition du revenu du travail. Elles ont déterminé la part du revenu du travail que les femmes gagnent dans 182 pays sur la période allant de 1991 à 2019. Pour cela, elles ont combiné les données relatives à l’emploi et au revenu du travail tirées de l’OIT, de la Luxembourg Income Study et des statistiques de l’UE sur le revenu et les conditions de vie.
La part du revenu allant aux femmes a eu tendance à augmenter, au niveau mondial et dans la majorité des pays pris isolément : selon les estimations de Neef et Robilliard, les femmes gagnent aujourd’hui environ 35 % du revenu du travail mondial, contre 30 % au début des années 1990. L’égalisation du partage du revenu du travail entre les genres s’opère donc très lentement.
Graphique 1. Part du revenu du travail des femmes en 2019 (en %) La part du revenu du travail allant aux femmes varie d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre (cf. graphique 1). C’est au Moyen-Orient et en Afrique du nord où elle est la plus faible (15 %) et dans l’ancien bloc soviétique où elle est la plus élevée (40 %). L’égalisation du partage du revenu du travail entre les genres ne s’opère pas non plus selon les mêmes mécanismes d’une région à l’autre : en Amérique du nord et en Amérique latine, elle s’explique avant tout par la hausse du taux d’activité des femmes ; en Asie et en Europe de l’ouest, elle s’opère à la fois avec la hausse du taux d’activité des femmes et la réduction des écarts de rémunération entre les sexes ; au Moyen-Orient et en Afrique du nord, la rémunération des femmes est relativement élevée, mais elles ont un faible taux d’activité ; en Afrique subsaharienne, elles ont un taux d’emploi élevé, mais leurs rémunérations sont faibles et stagnent.
Graphique 2. Proportion des femmes parmi les 10 % des travailleurs les mieux rémunérés (en %) L’un des facteurs qui explique la faiblesse de la part du revenu du travail allant aux femmes est leur sous-représentation dans les emplois les plus rémunérés, un phénomène qualifié dans la littérature de « plafond de verre ». La sous-représentation des femmes est encore plus forte parmi les 1 % des travailleurs les mieux rémunérés que parmi les 10 % des travailleurs les mieux rémunérés (cf. graphiques 2 et 3).
Graphique 3. Proportion des femmes parmi les 1 % des travailleurs les mieux rémunérés (en %) Neef et Robilliard notent que les femmes sont de plus en plus présentes parmi les travailleurs les mieux rémunérés, ce qui contribue à égaliser le partage du revenu du travail entre les genres. Ce processus ne s’opère toutefois pas au même rythme d’un pays à l’autre. Par exemple, cette égalisation parmi les 1 % les mieux rémunérés a ralenti en France et aux Etats-Unis, alors qu’elle s’est accélérée en Espagne et au Brésil (cf. graphiques 2 et 3). Les femmes sont davantage présentes au sommet de la répartition salariale au Brésil, au Costa Rica et en Espagne qu’aux Etats-Unis ou en France, où le plafond de verre semble particulièrement prononcé.
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