L’effet de la politique monétaire sur la stabilité financière est ambigu. D’un côté, une politique monétaire accommodante peut augmenter le risque de crise financière en incitant les sociétés financières à se lancer dans une chasse au rendement, en alimentant la formation de bulles spéculatives et en fragilisant le bilan des agents. Par exemple, la Réserve fédérale est considérée par beaucoup comme responsable de la crise financière de 2007 en ayant maintenu ses taux d’intérêt trop longtemps trop bas entre 2003 et 2005.
D’un autre côté, une politique monétaire accommodante peut au contraire diminuer le risque de crise financière en réduisant le risque de défauts de paiement, aussi bien des entreprises non financières et des ménages que des sociétés financières. Les mesures exceptionnellement accommodantes adoptées par les banques centrales dans le sillage de la pandémie de Covid-19 semblent avoir contribué à empêcher que celle-ci ne déclenche une crise financière en entraînant des vagues de faillites.
Frederic Boissay, Fabrice Collard, Jordi Galí et Cristina Manea (2021) ont étudié si une banque centrale doit s’écarter de son objectif de stabilité des prix pour promouvoir la stabilité financière. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur le modèle nouveau keynésien de base, mais en l'augmentant de plusieurs façons. En l’occurrence, celui-ci incorpore une accumulation du capital endogène, si bien que l’économie peut durablement dévier de son état régulier et connaître des vagues de déséquilibres macro-financiers. Le modèle incorpore aussi des frictions financières et une hétérogénéité des entreprises en termes de productivité. Boissay et ses coauteurs l'ont alors utilisé pour comparer différentes règles de fixation des taux d’intérêt amenant la banque centrale à répondre plus ou moins agressivement aux fluctuations de l’inflation et de la production agrégée. Ils aboutissent alors à trois grands résultats.
Premièrement, il apparaît que la politique monétaire affecte la probabilité de survenue d’une crise financière aussi bien à court terme, via les effets sur la demande globale, qu’à moyen terme, via les effets sur l’épargne et l’accumulation du capital. En l’occurrence, les politiques monétaires qui répondent systématiquement aux fluctuations de la production tendent à ralentir l’accumulation de l’épargne, or cette moindre accumulation de l’épargne réduit le risque d’accumulation excessive du capital et de crise financière.
Deuxièmement, une banque centrale peut à la fois réduire la probabilité d’une crise financière et accroître le bien-être collectif en s’écartant d’un ciblage d’inflation strict pour répondre systématiquement aux fluctuations de la production. En l’occurrence, le bien-être collectif est plus élevé si la banque centrale suit une règle de Taylor, qui l’amène à répondre à l’inflation et à la production, plutôt qu’à une règle de ciblage d’inflation strict.
Troisièmement, le modèle de Boissay et alii suggère que les crises financières peuvent survenir après une période de politique monétaire accommodante bien plus longue qu’attendue, dans la mesure où la banque centrale finit alors par relever brutalement son taux directeur.
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