Le progrès technique joue un rôle fondamental pour atténuer les effets pervers de la croissance économique et, peut-être, permettre à celle-ci de se poursuivre à long terme tout en sauvegardant un minimum des ressources naturelles et contenir le changement climatique. Pour atteindre ces objectifs, les entreprises doivent en effet réorienter leur production : d’une part, elles doivent chercher à produire en utilisant moins de ressources naturelles et en polluant moins et, d’autre part, elles doivent proposer des produits moins énergivores et polluants à l’usage. Elles peuvent être plus ou moins directement incitées à le faire : la raréfaction de certains ressources naturelles, qui devrait se traduire par la hausse de leurs prix, incite directement les entreprises à rechercher des substituts ; les firmes peuvent être plus indirectement incitées à verdir leur production si leur clientèle exige une production et des produits plus éco-responsables ; les autorités publiques peuvent chercher à contenir l’usage et des produits polluants des ressources naturelles menacées de disparition, que ce soit en l’interdisant ou du moins en le limitant via la réglementation ou en le taxant. Mais une telle réorientation de la production n’est véritablement possible que si des substituts plus verts existent, d’où l’importance du progrès technique : si les substituts n’existent pas, ils doivent être trouvés. Ne serait-ce qu’en créant de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités de marché, le fait que la demande de substituts augmente est susceptible de stimuler l’innovation verte [Jaffe et alii, 2002 ; Popp et alii, 2010 ; Popp, 2019].
L’innovation a peut-être joué un rôle majeur dans ce qui constitue peut-être la plus grande réussite en matière d’action mondiale en matière de protection de l’environnement. Au début des années quatre-vingt, il est apparu de plus en plus manifeste que les molécules d’ozone présentes dans la stratosphère avaient tendance à se raréfier, et ce particulièrement au pôle Sud. Or cette couche d’ozone est cruciale pour préserver la vie sur Terre des rayonnements ultraviolets émis par le soleil : son érosion perturbe le processus de photosynthèse, augmente le risque de cancers, notamment chez l’être humain, etc. Très rapidement, les scientifiques pointent du doigt l’origine anthropique de ce phénomène et en l’occurrence les émissions de chlorofluorocarbones. Avec la convention de Vienne de mars 1985 et surtout l’accord multilatéral adopté à Montréal en septembre 1987, la communauté internationale entérine la limitation des chlorofluorocarbones. Cette action s’est révélée efficace : en une décennie la production et la consommation de chlorofluorocarbones ont été divisées par cinq et la couche d’ozone s’est stabilisée dès les années quatre-vingt-dix et elle se reconstitue depuis.
Graphique : Nombre de brevets et d’articles mentionnant des substituts aux chlorofluorocarbones
En étudiant les articles publiés dans les revues scientifiques indexées par ScienceDirect et les brevets accordés par l’United States Patent and Trade Office, Eugenie Dugoua (2021) a comparé les mentions des molécules qui peuvent se substituer aux chlorofluorocarbones à celles des molécules qui en ont des usages similaires mais qui ne sont pas liées à l’appauvrissement de l’ozone. Après la signature de l’accord, le nombre de brevets sur les substituts aux chlorofluorocarbones a été multiplié par cinq en une poignée d’années et le nombre d’articles scientifiques qui leur sont consacrés a été multiplié par six, relativement au groupe de contrôle. Dugoua conclut que le Protocole de Montréal a envoyé un signal clair aux entreprises et aux scientifiques pour rechercher d’éventuels substituts aux chlorofluorocarbones qui ne menaceraient pas la couche d’ozone.
Références